dimanche 7 juillet 2013

[Carnets de Festival] Au cœur de Paris cinéma 2013 - vol. 3 : Vic + Flo ont vu un ours / Mes séances de lutte


paris cinema 2013Vendredi soir au MK2 Bibliothèque, c’était
un peu la soirée « femmes réalisatrices », voire « femmes » tout court du Festival Paris cinéma… Ainsi, outre les deux cinéastes Rebecca Zlotowski et
Katell Quillévéré dans la salle avant (voire après) les films (respectivement « Grand Central » et « Suzanne »), on pouvait également croiser les actrices Léa Seydoux (sur l’écran… mais
normalement aussi dans la salle dimanche soir pour la projection de « La vie d’Adèle »), Sara Forestier et Adèle Haenel (toutes les deux à la fois sur l’écran et dans la salle !) Quelle ne fut
donc pas ma surprise (agitant mes sens plus que de raison pour l’occasion) de retrouver également le choupinoux Johann Libereau et le magnétique Tahar Rahim à la projection de « Grand Central
» : ces deux-là se faisaient d’ailleurs plein de calinoux en sortant de la salle, prouvant visiblement que le tournage avait du rudement bien se passer… Mais le plus fou fut encore mes deux
sorties de projections ce soir-là, me faisant tomber tour à tour sur deux des nombreux hommes de ma vie (« Dreams… are my reality », tout ça…) : un Louis Garrel plus sexy que jamais, faisant d’ailleurs de mystérieuses allées et venues sur
le trottoir de l’avenue de France avec son beau vélo tout neuf et sa cour composée de jeunes filles à la foufoune prête à exploser et de Vincent Lacoste (sic), puis un Samuel Benchetrit en grande conversation téléphonique à proximité du Limelight, le QG des
stars du Festival… J’en vibre encore de tout mon être… et de tout mon corps, vous pensez bien ! Et dire que le Festival continue : faites vos jeux !


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[En compétition]

Vic + Flo ont vu un ours, de Denis Côté
(Québec, 2012)
Sortie le 4 septembre 2013




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Habitué du Festival (il était déjà en compétition il y a deux ans avec « Curling »), le
réalisateur québécois Denis Côté (auteur depuis du fascinant documentaire « Bestiaire »)
prouve au fil de ses films qu’il est véritablement un réalisateur à suivre, l’un de ceux qui possède un regard original et personnel sur le monde… Avec « Vic + Flo ont vu un ours », il débauche
Romane Bohringer (que l’on n’avait pas vu dans un rôle aussi important depuis trop longtemps…) pour dérouler un récit entre réalisme et inquiétante étrangeté… Autour d’une histoire d’amour entre
deux femmes, il laisse errer son film dans des directions tour à tour drôles, décalées, barges ou carrément violentes, capables de marquer avec force l’imaginaire du spectateur. Si le mystère –
du titre, de certains évènements, du dénouement… – peut parfois apparaître comme une facilité, on reste néanmoins fasciné par cet ensemble un peu fou, où les acteurs font merveille : on note
notamment le rôle de Marc-André Grondin, parfaitement méconnaissable le crâne rasé…


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[Avant-première]

Mes séances de lutte, de Jacques Doillon
(France, 2012)
Sortie le 6 novembre 2013




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Après un « Mariage à trois » bien trop sage et « Un enfant de toi » à la morale aux frontières de la pudibonderie, le nouveau film de Jacques
Doillon tente de se démarquer en proposant les « luttes » – au sens physique – d’un couple, dont les rendez-vous se transforment ainsi progressivement en corps à corps entre violence
sado-masochiste et sensualité… On comprend presque trop bien que ces « confrontations » sont au fond une métaphore d’une nouvelle forme de thérapie amoureuse, à travers une comparaison très
appuyée avec des « séances » de psychanalyse… A vrai dire, on voit venir la réplique finale à des kilomètres, verbalisant le fait que toute cette expression de haine à travers le choc des corps
est en réalité une preuve d’amour (wah…) : heureusement, elle vient mettre un terme à ce lent supplice qu’aura été la projection d’un film faussement sulfureux et surtout horriblement chiant,
dont on ne retiendra que la performance étonnante des deux acteurs principaux : James Thiérrée et Sara Forestier, cette dernière dans un contre-emploi saisissant… une vraie prise de risque de
leur part, qui ne sauve cependant pas le film !

Autres films vus dont nous parlerons très bientôt sur ce blog fabuleux :
- La cinquième saison, de Peter Brosens et Jessica Woodworth (Belgique, Pays-Bas, France, 2012)
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- Henri, de Yolande Moreau (France, 2012)
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- Tip Top, de Serge Bozon (France, 2013)
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- Grand Central, de Rebecca Zlotowski (France, 2013)
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Précédemment :



- Au cœur de Paris cinéma 2013 –
vol. 1 : Si le vent te fait peur / Prince Avalanche / Youth



- Au cœur de Paris cinéma 2013 – vol. 2 :
Elle s’en va / Kid / Pussy Riot































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samedi 6 juillet 2013

[Critique] West Side Story, de Robert Wise et Jerome Robbins



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(Etats-Unis, 1960)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !




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Chef-d’œuvre indémodable et universel, le film « West Side Story » est l’objet d’une double adaptation. Il est d’abord la version cinéma d’une comédie musicale à succès, créée à Broadway en 1957.
Mais celle-ci étant déjà une transposition moderne du « Roméo et Juliette » de William Shakespeare, on peut ainsi dire que le film l’est lui aussi ! La présence de deux noms à sa réalisation
dénote en outre une autre forme de la complexité de son élaboration : si le chorégraphe Jerome Robbins fut un temps écarté du tournage (en raison notamment de son perfectionnisme trop coûteux
pour la production), le film n’en garde pas moins son empreinte dans la mise en scène des séquences dansées, sublimées en outre par les cadrages précis et méticuleux de Robert Wise !

Ce qui surprend en premier lieu à la vision de « West Side Story » demeure sans doute sa capacité à se situer en constante rupture avec la comédie musicale traditionnelle, qui eût d’ailleurs ses
heures de gloire dans les années 50. Ici, la gaîté jusque-là inerrante à ce type de cinéma se transforme en véritable tragédie… Sans oublier que la dimension politique et sociale du film, qui
décrit un univers réaliste de violences urbaines, est parfaitement inédite dans un genre que l’on assimilait alors à du divertissement pur ! L’histoire, archi-connue, nous plonge en effet au beau
milieu des affrontements de deux bandes rivales d’un quartier pauvre de Manhattan, les Jets et les Sharks, qui stigmatisent en réalité des tensions palpables entre des américains « natifs » (bien
qu’issus d’immigrations polonaises ou italiennes antérieures) et des migrants Portoricains fraîchement débarqués en Amérique. Robert Wise livrait ainsi une vision éminemment pessimiste de son
pays, en proie au racisme et à l’intolérance ordinaire, qui débouche fatalement sur la tragédie : ici symbolisée par le couple de Tony et de Maria, deux amoureux appartenant chacun à une bande
rivale… Leur amour et leurs efforts pour maintenir la paix ne seront bien sûr pas suffisant pour s’opposer à la haine qui inonde le cœur de leurs camarades respectifs et qui fera fatalement
couler le sang !

Dans ce contexte violent surnage pourtant les plus belles mélodies qui soit, maintenant le film dans cet extraordinaire et admirable paradoxe : celui de décrire l’horreur avec l’élégance superbe
d’une comédie musicale ! La composition musicale, signée Leonard Bernstein, comprend un nombre de tubes incroyables, tous d’une extrême originalité et d’une dansante musicalité… On passe avec une
aisance jubilatoire d’un morceau vigoureux et hargneux de jeunes gens prêts à en découdre à une chanson au romantisme le plus fou et émouvant ! L’humour peut même s’inviter avec délice dans
certains titres, comme « America » qui détruit joyeusement le rêve américain, en faisant s’affronter les points de vue des filles et des garçons Portoricains sur l’Amérique : si les premières ont
encore plein d’espoirs rêveurs sur celle-ci, les seconds savent déjà qu’ils paieront toujours leur statut d’étrangers ! Et que dire encore du sublime « Tonight », notamment lorsque des voix aux
intentions bien différentes se superposent pour scander les paroles, sans que jamais la fluidité du texte et des images ne soit heurtée par la moindre cacophonie, révélant ainsi la puissance de
la mise en scène – et du montage – de Wise !

Toutes ces chansons sont bien entendues interprétées et mises en scène au gré de chorégraphies splendides et vertigineuses, dont la bravoure confine souvent au génie ! On est notamment bluffé par
ces scènes de bagarres entre les Jets et les Sharks, où le paradoxe entre la mise en scène et le message délivré offre justement la clé de la comédie musicale : sublimer par la grâce de corps
dansants et sautillants la brutalité des hommes toujours prêts à se battre… On observe d’ailleurs ici une forme d’homo-érotisation des corps assez fascinante, par cette façon de décrire la
virilité la plus masculine – la guerre – par le biais d’une sensibilité et d’une grâce habituellement plus féminine – la danse.

L’audace est peut-être ce qui décrit ainsi le mieux « West Side Story », tant ce film en est parcouru et tant elle a contribué à sa légende ! Une audace qui s’inscrit d’ailleurs dès les premières
minutes du film, avec un générique hors norme (les différents thèmes musicaux sont égrenés durant cinq bonnes minutes sur des traits évoquant les immeubles de Manhattan apposés sur un fond aux
couleurs changeantes), une vue aérienne sur les gratte-ciel de New York (c’est la première fois que l’on montrait la ville de cette façon au cinéma) et une première séquence musicale sans parole
et uniquement bruitée (les claquements de doigts des personnages demeurent mythiques !)



Perspective :



- West Side Story, de Robert Wise (vu par Ex-Prof)































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vendredi 5 juillet 2013

[Critique] Before Midnight, de Richard Linklater



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(Etats-Unis, Grèce,
2013)



Sortie le 26 juin 2013




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« Before Midnight » est la « suite » de deux autres films (« Before Sunrise » et « Before Sunset »), dont la production ne ressemble en rien aux films à épisodes que l’on a l’habitude de voir…
Mystérieusement tournées à neuf ans d’intervalle, les deux « suites » au long métrage originel répondaient plus à une envie, aussi bien de la part du réalisateur que des comédiens (tous très
engagés dans le projet, les acteurs ayant notamment collaboré à l’écriture du scénario), de savoir ce qu’avait pu devenir les personnages de cette histoire : un désir de les voir évoluer dans
leurs vies, plus qu’un acte prémédité ou paresseux à reprendre une même histoire qui « marche »…

Revoici donc Céline et Jesse (aka les formidables Julie Delpy et Ethan Hawke), qui après s’être rencontrés, séparés puis retrouvés, vivent bel et bien en couple depuis des années et ont eu deux
jumelles qui occupent bien leur vie… C’est à l’occasion de vacances en Grèce chez des amis qu’un élément déclencheur va remettre en question leur façon de vivre, leurs rôles respectifs dans leur
vie de couple et leurs aspirations véritables pour l’avenir… Au fil de dialogues et de conversations finement écrits, on oscille constamment entre drame et humour, entre philosophie et
bouleversements psychologiques… C’est beau comme la vérité, comme des désirs d’idéaux confrontés à la réalité des choses…Avec une simplicité assez désarmante et l’air de rien, « Before Midnight »
nous emporte finalement très loin dans les façons d’appréhender la vie, et surtout l’amour et la définition que l’on s’en fait, souvent au cœur des discussions des personnages.

Si l’écriture du scénario se révèle déjà très forte, soutenue par l’interprétation d’acteurs réellement touchants et parfaits, la mise en scène du film sait elle aussi nous fasciner et nous
emporter ! Découpant son long métrage en un nombre extrêmement réduit de scènes, le cinéaste fait visiblement tout pour faire durer les choses et décomposer le temps à l’infini, sans pourtant
jamais nous ennuyer ou nous lasser… Le film et ses personnages finissent par nous renvoyer des miroirs dans lesquels on pourrait se contempler éternellement, avec toujours la même fascination. La
douceur du rythme, porté par une stratégie du plan séquence (ou tout du moins un « sentiment de plan séquence » pour le spectateur, rendant les scènes extrêmement fluides) et aidé par la
tranquillité de décors extérieurs ensoleillés et somptueux, permet d’approfondir les réflexions et les questionnements avec une très belle et intense acuité… C’est souvent beau comme du Kiarostami, tant ces dialogues infinis et la durée des scènes
rappellent le style du cinéaste iranien : il n’y a qu’à voir la scène du début, filmant longuement la conversation du couple à l’avant de leur voiture en train de rouler, ou cette autre séquence
les montrant marchant nonchalamment sur des chemins lumineux de la campagne grecque, pour s’en rendre compte… Une « comédie romantico-dramatique » moderne et réaliste, qui définit avec une
justesse et une finesse sans esbroufe les contours du sentiment amoureux contemporain…































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jeudi 4 juillet 2013

[Carnets de Festival] Au cœur de Paris cinéma 2013 – vol. 2 : Elle s’en va / Kid / Pussy Riot


paris cinema 2013Comme tous les ans, on voit passer du beau
monde à « Paris cinéma » cette année ! Si j’ai raté le coche avec François Ozon, Roman Polanski (et sa merveilleuse Emmanuelle Seigner) ou encore Natacha
Régnier, j’ai par exemple déjà pu croiser Emmanuelle Bercot (et l’équipe de son nouveau film « Elle s’en va » - sauf Catherine Deneuve, bien sûr, faudrait pas déconner…), Audrey Pulvar (qui
animait un débat un peu nul autour d’un film loin d’être nul : « Pussy Riot » !) et Romane Bohringer, plutôt en forme aux côtés du réalisateur québécois et boute-en-train Denis Côté, qui l’a
choisi comme « plan B » dans son dernier film « Vic + Flo », une nouvelle fois en compétition au Festival (il l’avait déjà été il y a deux ans avec « Curling », alors que j’étais dans le Jury des blogueurs et du
web
: c’était le bon temps tout ça…) Et puis on tombe également sur quelques sommités de la ciné-blogosphère, à l’instar de Tred ou du
Passeur critique, ce dernier faisant d’ailleurs parti du Jury web pour cette édition ! Sans compter que tout ça, ce n’est encore rien comparé à tout ce
qui nous attend au fil de la petite semaine que dure encore le Festival : faites donc votre choix sans tarder, mesdames et messieurs !

elle_s_en_va.jpg[Avant-première]
Elle s’en va, d’Emmanuelle Bercot
(France, 2012)
Sortie le 18 septembre 2013




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La réalisatrice de l’époustouflant « Backstage » revient cette année avec un film libre et très émouvant… Bettie, une femme vieillissante et veuve, gérante d’un restaurant, décide de prendre la
route sur un coup de tête, le jour où elle apprend que son amant a quitté sa femme pour une autre… La route qu’elle va prendre sera alors jalonnée de détours et de rencontres étonnantes et
souvent symboliques, prouvant quelque part au personnage que malgré le temps qui passe, rien n’est jamais perdu, notamment dans ses rapports aux autres, et qu’elle est toujours bien vivante.
C’est d’ailleurs le sens de la dernière réplique du film, répétée par Bettie et par son petit fils, avec cette idée de transmission intergénérationnelle : « En avant la vie ! » C’est la vie qui
continue coûte que coûte et qui trace l’horizon d’un film à la fois simple et très beau, porté par une Catherine Deneuve comme toujours épatante et surprenante. Les acteurs qui l’entourent
composent eux aussi des rôles émouvants, comme par exemple la chanteuse Camille pour sa première incursion dans le monde du cinéma…

kid[En compétition]
Kid, de Fien Troch
(Belgique, 2012)




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Formellement sublime, « Kid » raconte l’histoire d’un petit garçon qui vit à la campagne avec sa mère et son frère… La misère semble prégnante et le jour où sa mère est tuée, le petit garçon
multiplie les comportements désespérés, comme s’il cherchait par tous les moyens à rejoindre sa mère… Sur un sujet psychologiquement difficile, la réalisatrice Fien Troch « peint » un film
plastiquement impressionnant, où la nature semble isoler les personnages et les plonger dans une immensité qui les dépasse largement… C’est très beau, souvent hypnotique et fascinant, et l’on
redoute à chaque scène la conclusion que le récit finira par nous offrir…


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[Avant-première]

Pussy Riot : A Punk Prayer, de Mike Lerner et Maxim Pozdorovkin
(Grande-Bretagne, Russie, 2013)




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Voilà un film « qui a de la chatte », comme on dit (ou comme on ne dit pas, en fait) ! « Pussy Riot » est un documentaire vibrant et passionnant qui retrace l’itinéraire de trois jeunes filles
qui « ont des couilles » en plus de leurs vagins… Par le biais d’un groupe punk ultra politisé pour dénoncer les mesures liberticides du régime russe actuel, elles sont à l’origine de divers
coups d’éclat « en chansons », assez proches de la performance, dont une « prière punk
» scandée sur l’autel de la cathédrale de Moscou, qui leur a valu un procès et la prison. C’est ce procès que retrace le film, entrelardé de divers témoignages, aussi bien des « Pussy Riot » que
de leurs proches ou de diverses personnes… Malgré les soutiens internationaux condamnant leur emprisonnement, qui résonne comme une atteinte immonde aux Droits de l’homme, les jeunes filles, dont
on savoure souvent la verve efficace, intelligente et pleine d’humour (on s’étonne de les voir toujours le sourire aux lèvres malgré leur situation délicate), n’en croupissent pas moins en
prison. Préférer disposer de sa liberté d’opinion emprisonné plutôt que d’être libre de mouvements mais pas de conscience, voilà en substance la morale que les « Pussy Riot » nous propose au
final, dans ce long métrage percutant, rythmé et nécessaire, sur lequel souffle un vent d’espoir et de libertés !



Précédemment :



- Au cœur de Paris cinéma 2013 –
vol. 1 : Si le vent te fait peur / Prince Avalanche / Youth































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mercredi 3 juillet 2013

[Comic strip] Affaire de l'affiche de "L'inconnu du lac" : Les Spectateurs à Versailles


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Retrouvez toutes les bandes dessinées de Phil Siné sur le site de "La Bande de Siné" !



L'occasion d'aller voir (plus que jamais !) "L'inconnu du lac" d'Alain
Guiraudie...































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mardi 2 juillet 2013

[Carnets de Festival] Au cœur de Paris cinéma 2013 – vol. 1 : Si le vent te fait peur / Prince Avalanche / Youth


paris_cinema_2013.jpgComme un benêt, j’ai pris mes vacances à la
fin du mois de juin, sur le mode « comme s’il allait faire beau juste au début de l’été, alors que les gens n’ont pas encore envahi les jolis lieux touristiques »… Eh ben raté ! Et on peut même
dire « raté sur toute la ligne », puisque côté ciné, j’ai aussi loupé le démarrage du Festival Paris cinéma 2013 et ses premières séances pourtant du
tonnerre : « La Vénus à la fourrure » de Roman Polanski, « Jeune et Jolie » de François Ozon ou encore « Ilo Ilo », la caméra d’or remise par l’indémodable Agnès Varda au dernier Festival de
Cannes... Heureusement que Paris Cinéma ne fait que commencer et qu’il reste encore un max de choses à y découvrir ! Je me suis d’ailleurs déjà bien rattrapé, notamment côté « compétition »…
Faites donc pareil : tout le programme du festival est visible sur leur site internet !

si_le_vent_te_fait_peur.jpg[Made
in Belgiëque]

Si le vent te fait peur, d’Emile Degelin
(Belgique, 1960)




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Quelle surprenante découverte que ce film présent dans le panorama de longs métrages « faits en Belgique », le pays à l’honneur cette année au festival… Réalisé en 1960, on a l’impression de voir
un « Pierrot le fou » belge, tant le style « nouvelle vague » et la drôlerie mélancolico-poétique évoque les premiers longs métrages de Jean-Luc Godard. Superbes lumières et jeux entre le
jour et la nuit dans des décors naturels éclatants (les plages de la mer du Nord), dialogues souvent délicieux et remplis de références cultivées, acteurs aventureux et personnages aux
comportements parfois foufous et décalés, « Si le vent te fait peur » se révèle d’une richesse cinématographique incroyable et évoque qui plus est, avec une pudeur très belle, un sujet qui fit
scandale à l’époque : celui de l’ambiguïté des rapports entre un frère et une sœur…


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[En
compétition]

Prince Avalanche, de David Gordon Green
(Etats-Unis, 2013)
Sortie le 20 novembre 2013




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Remake d’un mystérieux film islandais (« Á annan veg »), « Prince Avalanche » conte l’équipée de Lance et d’Alvin, partis sur les routes paumées du Texas pour y peindre les lignes jaunes. On
s’attache progressivement à ce couple étrange, entre un Lance amoureux transi de sa copine et un Alvin adolescent attardé qui n’est d’ailleurs autre que le petit frère de la copine de Lance… La
tonalité du film est assez fine et équilibrée, jouant constamment entre la mélancolie intérieure de ces deux gentils « loosers » à qui rien ne réussit vraiment et un humour très humain, montrant
souvent l’aspect un peu foufou des deux personnages, notamment dans une scène de cuite mémorable ! Les deux acteurs, Paul Rudd et Emile Hirsch (le héros de « Into the wild » et « Killer Joe », étonnamment bouffi pour l’occasion) s’accordent à merveille…


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[En compétition]

Youth, de Tom Shoval
(Israël, Allemagne, 2012)




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Le pouvoir de fascination de « Youth » vient bien sûr en premier lieu de ses deux interprètes principaux, deux frères jumeaux aux visages et aux regards étranges et hypnotiques. Mais l’acte
qu’ils s’apprêtent à commettre pour tenter de sortir leur famille de la misère demeure lui aussi plutôt troublant… Loin de toute caricature, s’interrogeant notamment sur le mal en chacun de nous,
le cinéaste parvient à nous emporter dans un récit pour le moins tendu, qui prend le temps de s’installer, laissant au spectateur une incertitude durable sur ce que l’on va lui montrer… Non
seulement le plan de kidnapping que les frères ont manigancé ne va pas vraiment se passer comme prévu, mais il révèle parfois avec une sorte d’humour sombre et décalé les maladresses de ces
jeunes qui ne savent finalement plus quoi faire pour se sortir d’un monde socialement et économiquement de plus en plus difficile.































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lundi 1 juillet 2013

[Carte blanche] Tabou (Gohatto), de Nagisa Ôshima (vu par Not-Zuul)



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(Japon, 1999)



Passez un été "en chanté" avec Phil Siné !



Carte blanche "enchantée" de Not-Zuul, qui propose des coups de coeur musicaux quotidiens sur son blog méli-mélomane !

Vous souvenez-vous par hasard du film « Gohatto » (parfois intitulé « Tabou » chez nous puisque c'est tout à fait la traduction du terme japonais de son titre) réalisé à la toute fin des années
90 par Ôshima Nagisa ? Inexplicablement, cela fait des années que j'essaie d'en parler autour de moi et personne ne semble l'avoir vu. Parce que c'est un film japonais ? Mais enfin, s'il est
resté à l'affiche plusieurs semaines dans ma province, c'est qu'il a eu son petit succès pourtant, il aurait même été présenté au festival de Cannes à l’époque de sa sortie ! Plus rare encore (et
miraculeux !), son scénario avait été édité en version bilingue dans la Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, ce qui en fit jadis mon tout premier livre écrit en japonais. Bref, malgré tout
cela et en dépit de la renommée de son génial et sulfureux réalisateur ou de la présence au casting de Kitano Takeshi, « Tabou » ne semble pas avoir franchement marqué son public… Sauf moi donc,
notamment à cause de ses étranges musiques composées par Sakamoto Ryûichi (« Furyo ») : indissociables des images du film dans mon esprit, elles avaient littéralement imprégné mes souvenirs.
 
Le générique de début lance un thème musical que l'on n'aura de cesse de retrouver par la suite, décliné selon le contexte sur divers instruments, plus ou moins variés et appuyés : celui du personnage central, Sôzaburô. Alors que l’on assiste lors de la première scène du film à quelques combats d'entraînement car le Shinsengumi (la milice
officielle du shôgun dans la période trouble du Kyôto de 1865) recrute de jeunes soldats, la musique n’intervient pour la première fois que lorsque c’est au tour de Sôzaburô de démontrer son
habileté au sabre. Pour accompagner le gros plan sur son visage pâle et androgyne, le thème au piano seul délivre quelques notes subtiles et mystérieuses et le personnage capte ainsi
immédiatement l'attention des autres protagonistes comme celle du spectateur. Les capitaines qui s'apprêtent à l'accepter au sein de leur troupe semblent à la fois fascinés et méfiants face à ce
jeune éphèbe au regard glacial qui s'avère être un sabreur de talent. Son recrutement, ainsi que celui de son futur amant, Tashiro, est le point de départ d'un scénario qui explore pêle-mêle la
question de l'homosexualité au sein de la milice et ses différentes actions militaires en cette période de grands bouleversements politiques.
 
Le premier aspect prendra assez vite le pas sur le second alors que tout le monde s’interroge de plus en plus sur ce qu’implique la présence de Sôzaburô dans le groupe. Celui-ci, conscient du
trouble qu'il provoque chez ses collègues, devra affronter d'une part la convoitise maladive de multiples amants et d'autre part les moqueries, le rejet ou les tentatives de conversion à
l'hétérosexualité (!) de la part des autres hommes du groupe... Toutefois, comme on le soupçonnait depuis sa première apparition à l’écran, on aura vite fait de remarquer aux variations de
la musique thème, très belle « Gohatto Opening Theme », que le jeune homme est loin d'être innocent ou naïf dans l'histoire. Au contraire, on devine
qu'il joue la séduction, insistant par exemple pour garder sa frange d'adolescent (qui le rend plus jeune et sans doute aussi un peu plus féminin aux yeux des autres) et amplifiant volontairement
les rumeurs à son sujet, notamment en feignant la soumission face à ses amants au cours de combats dont l’issue n’aurait pourtant dû faire aucun doute. A d’autres occasions en revanche, il
procède à des exécutions avec une froideur implacable et ne fait preuve d’aucune fragilité lorsqu’il avoue à l'un de ses lieutenants qu'il n'est entré dans la milice que pour avoir l'autorisation
de tuer en toute légitimité… Peu à peu, Sôzaburô sème la discorde au sein de son unité et le doute plane sur ses motivations jusqu’à une scène finale qui m’avait fait forte impression à l’époque.
C’est en effet la même musique, triste et teintée de mystère, qui accompagne toute la fin du film indifféremment de ce qu’il se passe à l’écran. S’y succèdent pourtant des séquences très
différentes les unes des autres : de réflexion, de dialogues ou de combat… dans cette ambiance presque onirique, l’ensemble m’avait paru de toute beauté.

Finalement, en dehors du thème principal qui a sa propre mélodie, les compositions énigmatiques de Sakamoto Ryûichi qui parcourent le film sont ainsi plutôt des musiques d’ambiance, qu’on serait
bien incapable de fredonner mais qui s’avèrent redoutablement efficaces et laissent un souvenir diffus. Je songe par exemple à une scène au cours de laquelle Sôzaburô reste à l’auberge tandis que
l’un de ses espions est chargé de prendre en filature un groupe d’hommes louches : une musique indescriptible rythmée au métronome semble sonner dans le vide et cela rend son attente (et la
nôtre) assez interminable (surtout qu’on avait bien raison de s’inquiéter du retard du pauvre bougre…). Le compositeur a de plus cherché à réconcilier ici le contexte historique avec des
sonorités et constructions musicales parfaitement contemporaines. Le résultat est parfois saisissant, comme lorsque le jeune homme arrive au temple : l’atmosphère se fait mystique et
traditionnelle, entre percussions sourdes et instruments à cordes, mais évoque aussi peut-être par petites touches des chants d'oiseaux dans le jardin (dans mon esprit tordu en tout cas…). Quoi
qu’il en soit, alternant ainsi les occurrences d’une musique thème centrale aux multiples variations, les ambiances discrètes et aussi les silences parfois (le contraste des trois prenant tout
son sens à l’écran), la musique de « Tabou » me laisse un souvenir aussi implacable que le sous-texte du film lui-même me laisse quelque peu perplexe... Ça n’est pas une OST que je réécouterais
volontiers sur disque, mais parce qu’elle est si parfaitement complémentaire avec les images du film qu’elle accompagne, il s’agit sans aucun doute d’une véritable et très belle bande originale.



Retrouvez Not-Zuul sur son blog !































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