lundi 29 septembre 2014

[Cinéma] Saint Laurent, de Bertrand Bonello

Saint Laurent
de Bertrand Bonello
(France, 2014)

Sortie le 24 septembre 2014


★★

Deuxième long métrage consacré au célèbre couturier Yves Saint Laurent cette année, on peut dire que ce « Saint Laurent » impose une vision radicalement autre par rapport à son prédécesseur. Là où le film de Jalil Lespert suivait plus ou moins les clous d’un biopic assez classique, embrassant l’ensemble de la vie de son sujet en la ponctuant de ses moments les plus marquants, celui de Bonello ose une trajectoire bien différente et pour le moins audacieuse. D’une part, il se concentre sur une seule décennie de la vie d’YSL (1967 à 1976), tout en n’hésitant pas à faire exploser la chronologie, mélangeant les années pour mieux nous perdre (et perdre son personnage dans le temps) ou laissant parfois la place au regard du couturier dans la dernière partie de sa vie, sous les traits d’Helmut Berger…  D’autre part, il ne raconte pas vraiment une vie, mais se concentre plutôt sur l’intériorité du personnage, son état d’esprit, ses rapports aux autres… le film gagne alors en romanesque, quitte à interpréter une réalité dont on ne captera de toute façon jamais la « vérité vraie » !

On reste fasciné par la mise en scène quasi hypnotique du cinéaste, qui nous présente un personnage éminemment mélancolique et détaché, abandonnant bientôt son être derrière la « marque » qui porte son nom… Il est étonnant de le voir d’ailleurs peu à peu délaisser sa passion, cédant quasiment son ultime défilé aux mains de ceux qui l’assistent… Bonello multiplie les moments de vide, quasi contemplatifs et métaphysiques, laissant son personnage se détacher du monde… Même l’abandon dans les drogues ou le sexe (offert à Saint Laurent par l’exubérant Jacques de Bascher, l’emmenant du côté du carrousel du Louvre ou dans les boîtes à cul parisiennes des 70’s) semble finir par l’ennuyer…

Etrange film, au fond, sur un personnage évanescent, monstre sacré pour le public mais errant dans son monde comme un fantôme… On ne sait plus où est le vrai, le faux, le fantasme, mais tout ce trouble finalement assez excitant est formidablement incarné par des acteurs au talent largement confirmé : Gaspard Ulliel, Jérémie Renier et Louis Garrel… Outre des séquences surprenantes qui ressemblent à un jeu (le parallélisme parfois perturbant entre les défilés du couturier et les évènements historiques sur toute la décennie, le vieux Saint Laurent feuilletant un article sur Mylène Farmer dans un tabloïd…), Bertrand Bonello réalise également l’un des fantasmes les plus funs et les plus absolus du cinéma gay contemporain : Gaspard Ulliel et Louis Garrel se galochant plein écran pendant un long et bon moment !

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