jeudi 4 septembre 2014

[Cinéma] Métamorphoses, de Christophe Honoré

Métamorphoses
de Christophe Honoré
(France, 2014)

Sortie le 3 septembre 2014


★★★

Je ne le dirai sans doute jamais assez, mais Christophe Honoré est un génie ! En adaptant « Les Métamorphoses » d’Ovide dans le monde d’aujourd’hui, il relève un défi un peu fou, décidément fougueux et véritablement atypique… et la réussite est au rendez-vous ! Pour ses « Métamorphoses » à lui, pas de transformations sensationnelles et pleines d’esbroufes, à grands coups d’images de synthèse ultramodernes : il préfère la poésie de simples effets de montage, privilégiant ainsi toujours la pure mise en scène plutôt que la froideur de l’effet technique… Un garçon se couche à terre : un plan sur son visage convulsé et son regard se portant vers ses membres inférieurs, puis un plan sur ses jambes devenues des pattes animales, et un retour enfin sur le haut de son corps, désormais animal lui aussi. Comme le dit le cinéaste lui-même, son but est de « ne pas faire voir mais faire croire » : il nous emmène ainsi dans le domaine de l’illusion et osons le dire dans celui du cinéma à l’état pur !

Comme pour « La Belle personne » (adaptation contemporaine de « La princesse de Clèves »), Honoré convoque une œuvre du passé pour mieux en saisir l’actualité, et par là même l’éternité ! En ancrant les « Métamorphoses » dans notre présent, il s’en sert pour explorer sociologiquement le monde qui l’entoure, voire pour aborder des thèmes qui lui sont chers : l’hypocrisie religieuse à la sortie d’une Eglise, la charité désintéressée récompensée, le suicide adolescent (avec Narcisse), le changement de genre ou de sexe (Tirésias), l’indétermination sexuelle (Hermaphrodite)… etc.

La mythologie est ainsi brassée dans un esprit d’audaces et de libertés qui stimulera et égayera l’esprit des cinéphiles ! La ville est confrontée à la nature (Honoré passe avec talent, parfois à l’aide d’un même plan, de l’une à l’autre avec une grâce sidérante : un simple mouvement de caméra peut nous emmener d’un parking entouré de barres HLM à un espace de végétation tout à fait bucolique). Le désir et la chair sont glorifiés avec une sensualité folle : le réalisateur a employé à dessein de nombreux jeunes comédiens non-professionnels, qu’il déshabille à loisir avec une belle espièglerie libertaire, pour obtenir d’eux une spontanéité et un jeu tout à fait nouveau dans le cinéma… Et l’on pourra en outre admirer le fil narratif du film, qui laisse s’enchevêtrer les histoires comme des récits à tiroirs, emboîtés les uns dans les autres et multipliant les personnages avec un talent d’écriture absolument admirable ! Christophe Honoré signe ainsi avec « Métamorphoses » une nouvelle œuvre inattendue et forte, au pouvoir évocateur incroyable, parcouru par une force poétique et une originalité profondément aimable…

Autres films de Christophe Honoré :
Les Bien-aimés (2011)
Les chansons d’amour (2007)
17 fois Cécile Cassard (2001)
Homme au bain (2010)

Perspective :
Déclaration d'amour à Christophe Honoré

2 commentaires:

  1. Je n'avais pas vu qu'Honoré avait sorti un nouveau film (quelle promo ???). Le sujet et ce que tu en dis donne envie de le voir. On dirait une évocation (et réappropriation) de la littérature antique comparable à celle qu'en fait Desplechin. Une curiosité donc (quelle affiche !) qui (quand on apprécie Honoré) nous donne déjà envie de croire !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. n'est-ce pas ? j'espère que tu seras allé le voir ! :)

      Supprimer