mardi 22 janvier 2013

[Critique] La porte du paradis, de Michael Cimino



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(Etats-Unis, 1980)



Sortie de la version restaurée le 27 février 2013




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Film mythique sur bien des tableaux, « La porte du paradis » est d’abord tristement connu pour avoir été l’un des plus grands fours commerciaux de l’histoire du cinéma, au point de provoquer la
faillite des studios United Artists et la ruine de la carrière pourtant alors si prometteuse du cinéaste Michael Cimino, dont le film précédent, « Voyage au bout de l’enfer », demeurait encore
dans toutes les mémoires… Les coupes malencontreuses des producteurs pour réduire le film de 3h39 (le « director’s cut ») à 2h30 après les premières projections presse catastrophiques n’ont
certainement pas aidé le long métrage lors de sa sortie en salles… Il ressort néanmoins aujourd’hui dans une copie neuve flamboyante de 3h30, une version très certainement la plus proche possible
du montage initial voulu par le réalisateur : une occasion unique de rendre justice au film et de se rattraper pour les spectateurs !

Le film s’inspire d’un élément fondateur de l’histoire de l’Amérique, en suivant le destin de plusieurs personnages, avec une structure précise : une grande partie centrale au moment des
évènements historiques, encadrée par un prologue vingt ans plus tôt (les personnages y sont encore étudiants) et un épilogue plus de 10 ans plus tard (au moment où le personnage principal remet
le passé en perspective). La partie principale se déroule ainsi en 1890 dans le Wyoming, au moment où des éleveurs s’apprêtent à commettre un véritable massacre, celui perpétrés contre des
émigrants d’Europe de l’Est venus chercher du travail en Amérique mais accusés de décimer le bétail de la région… On lit en filigrane du film tout un contexte socio-politique assez fort, qui
révèle finalement tout le racisme contenu d’une nation de cow-boys, ayant finalement bâti leur pays sur le sang d’autres peuples !

Cependant, Michael Cimino se défend lui-même d’avoir voulu faire un film politique : "Je ne le crois pas comme un film politique. Je n'aime pas spécialement la politique. Ce ne sont pas des
histoires concernant la politique, mais des histoires sur des gens pris dans des événements". Et en effet, on sent bien que ce qui intéresse le plus le cinéaste, ce sont les destins entremêlés et
tragiques de ses personnages… L’histoire se concentre d’ailleurs sur un trio merveilleux, mêlant avec virtuosité rivalités et romantisme : deux hommes épris de la même femme, qui elle-même ne
peut pas choisir l’un ou l’autre… Leurs rapports sont complexes et vibrants, et le monde qui tourne autour d’eux, plein de bruits et de fureur, ajoute à la dramatisation du long métrage. La mise
en scène de Cimino se veut ample et romanesque, et elle ne manque jamais de souffle, d’autant que les décors sauvages qu’elle utilise participent à la grandeur et à la beauté des images !

Les acteurs sont tous prodigieux : Kris Kristofferson, John Hurt, Christopher Walken… et bien sûr Isabelle Huppert, sublimement jeune et en parfait état de grâce pour la caméra du réalisateur,
qui la désirait d’ailleurs ardemment pour son film ! Un film qui utilise ainsi la grande Histoire pour nous plonger dans un récit passionnant où les émotions et les sentiments s’entrechoquent
pour révéler finalement la tragédie de l’existence humaine : le temps qui passe et les regrets qu’on en garde… Cimino explicitera lui-même le grand sujet de « La porte du paradis » : "oui, c'est
un film sur le temps qui passe, et sur un homme qui réfléchit sur le temps qui passe, sur son voyage, son passé. Souvent, il nous semble à peine possible d'avoir vécu tant de choses, et d'être
encore en vie, d'avoir survécu. Comment ai-je pu traverser autant de remous, tant d'événements, rencontrer tant de gens, tant de choses, qui se pressent dans un pan du temps qui me parait si
court ? Comment en suis-je arrivé là, comment suis-je parvenu là où je suis, comment et pourquoi ai-je survécu ? Qu'est-ce qui est vrai dans tout ça, et en quoi est-ce que je brode ? Quel est la
part de réel dans les rapports avec les autres, étaient-ils plus ou moins imaginaires ? Est-ce que ma vie s'est vraiment déroulée comme dans mon souvenir ; si elle a été différente, quelle
était-elle ?"































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4 commentaires:

  1. On parle souvent des réussites, mais c'est vrai qu'on oublie qu'il ya des films dont l'accouchement est catastrophique!


    Ici, une deuxième naissance, une renaissance, qui pourra lui reodrer le blason, c'est une chance.


    J'aime toutes ces question à la fin de votre article, la vie paraît si longue et en même temps nos souvenirs semblent si flous, à ce demander si c'est nous qui les avons vécus!!!!


     


    Et l'on se rend compte qu'on est toujours ici et maintenant, dans l'instant présent : parfois la vie prend la forme d'une étrange éternité...

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  2. Moi je reste attachée à The Deer Hunter, et j'avoue que si Walken n'avait pas fait partie du casting je ne l'aurais peut-être pas visionné. Le cinéma de Cimino comporte certaines longueurs.


    Mais qu'y a t'il au dessus d'une presta. de Christopher Walken hein ? 

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  3. Critique plaisante sur un film a la fulgurante beauté! grand, intimiste, sanglant, nostalgique de ce qui fut. Du beau cinéma imcompris qui ma touché il y a déjà fort longtemps, bravo de l'avoir
    remis en perspective!

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  4. merci de votre commentaire ! j'espère que vous aurez l'occasion de le revoir dans les salles ces jours-ci... ;)

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