lundi 28 mai 2012

[Critique] Cosmopolis, de David Cronenberg



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(France, Canada, 2012)



Sortie le 25 mai 2012




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« Cosmopolis » est un film étonnant, excitant, dérangeant… L’un de ces films qui résiste aussi, que l’on n’aime pas forcément d’emblée, comme une évidence… « Cosmopolis » est surtout un film
captivant, comme un long voyage sous hypnose, comme un rêve éveillé ou bien plutôt un cauchemar assez symptomatique de la dérive civilisationnelle actuelle… Car le nouveau
festival cannes 2012
film de David Cronenberg, adapté du roman du même
nom réputé inadaptable de Don DeLillo (dont le film reprend d’ailleurs les dialogues abscons et étranges), est peut-être avant tout une œuvre symbole, une forme de métaphore brillante et
terrifiante du système socio-économique contemporain en train de s’effondrer. Quasiment entièrement filmé depuis l’intérieur d’une énorme limousine blanche, « Cosmopolis » ressemble à une
déambulation urbaine dans les dernières agitations et les derniers soubresauts d’un monde qui va à vau-l’eau…

Protégé dans sa voiture blindée où il peut avoir tout ce qu’il veut, le jeune Eric Packer, l’une des plus grande fortune du monde travaillant dans la haute finance, est l’incarnation idéale de
l’égoïsme exacerbé qui ronge notre monde. N’ayant qu’une seule obsession en tête (se faire couper les cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville), le jeune homme a l’air de se foutre
royalement de tous les avertissements que lui donnent ses gardes du corps pour le décourager : la ville est en « alerte maximum » à cause de la venue du président des Etats-Unis, et quand bien
même les menaces d’attentat se déplacent et se resserrent progressivement sur sa propre personne (ce qui en dit long sur ceux que l’on considère les plus « puissants » aujourd’hui), Packer
persiste dans son désir de changement capillaire… Figé dans une espèce d’indifférence ou d’arrogance désincarnée, il incarne justement précisément le vide que génère l’argent et une forme de
mélancolie désespérée qui gangrène la jeunesse même, happée par des désirs vains basés sur la monétisation de toute chose…

Pour figurer ce personnage, l’ex-Edward-le-gentil-vampire-de-Twilight Robert Pattinson étonne
véritablement dans un rôle à contre-courant de tout ce qu’il a pu jouer jusqu’à présent… On dirait d’ailleurs que Cronenberg prend un plaisir sadique à casser son image de jeune homme romantique
lisse et propret, et cette destruction est en soi parfaitement fascinante : la froideur constante du personnage, son regard vide et blasé, ses grimaces presque extatiques au toucher rectal
langoureux que lui fait son médecin, ses désirs de destruction (une envie soudaine et morbide de découvrir ce que cela fait de tuer brutalement quelqu’un) et d’autodestruction (il va lui-même à
la rencontre de celui qui veut le tuer), ou encore sa coupe de cheveux parfaitement improbable dans la dernière partie du film… On est surpris de voir cet acteur porter aussi génialement le film,
celui-ci étant d’ailleurs de tous les plans, contrairement aux autres personnages réduits la plupart du temps à de courtes apparitions… Mais quelles apparitions pour certains ! On retient
notamment Juliette Binoche en train de s’empaler avec gourmandise sur la bite de Pattinson ou encore Mathieu Amalric jouer les entarteurs rebelles et anti-système à moitié fou…

Après un film un peu décevant (« A dangerous method »), l’enthousiasme est en
tout cas de taille à la vue de ce magistral « Cosmopolis », pour lequel on retrouve d’ailleurs la vraie personnalité du réalisateur Cronenberg… Sa mise en scène rappelle même ici certaines de ses
anciennes obsessions, qu’on ne lui avait plus connu depuis un certain temps : il y a notamment cette fascination typique du cinéaste pour l’organique, notamment dans la mesure où l’on découvre
que la vérité du film naît de l’intérieur du rectum de Robert Pattinson… A l’issue d’un échange époustouflant entre Packer et son assassin – un homme médiocre qui appartient aux couches sociales
écrasées par le système –, d’où il ne ressort en outre qu’une opposition stérile et ambiguë dans la mesure où chacun est renvoyé à ses propres contradictions et à son égoïsme, on comprend en
effet la signification de la découverte du jeune homme au sujet de sa prostate, qui serait « asymétrique ». Alors même que les financiers veulent dompter le monde à leurs lois exactes et à leurs
savants calculs, il s’avère que la nature même est pétrie d’imperfections ou d’exceptions qui font que le monde n’est pas rationalisable comme ils le prétendent… « Cosmopolis » se termine alors à
un point d’orgue fulgurant, comme des points de suspension sur notre avenir même !



Retrouvez l'avis plus mitigé de Neil sur le film



Autres films de David Cronenberg :



Chromosome 3 (1979)



A Dangerous Method (2011)



Faux-Semblants (1988)



La mouche (1986)



Scanners (1981)































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13 commentaires:

  1. je vais le voir ce soir! impatiente de lire ta critique! mais déjà tes 4 étoiles confirment mon ressenti

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  2. ton avis je l'attendais particuliérment et là je dois dire que je ne suis pas déçue de ton analyse..que j'approuve à 100%!....ce film est difficile à appréhender mais on ne ressort pas de la
    séance sans se poser de questions..il est magistralement interprété par Robert Pattinson (que j'apprécie depuis ses début et qui est pour moi un acteur de grand talent!) il m'a bluffé!...j'en
    suis encore toute retournée!...j'ai lu le livre et il est vrai que le film lui est fidéle. C 'est toute une atmosphére..je ne connais pas bien les films de Mr Cronenberg (je me souviens quand
    même de "la mouche"!) mais pour moi il frise le génie.. on voit qu'il aime son acteur principal...les autres acteurs aussi sont géniaux et viennent ponctuer cette journée si particuliére de la
    vie (et la fin?) de Eric Packer!...il est bouleversant à la fin..on lui pardonne d'etre ce qu'il est..on l'excuse parce qu'on comprends que sa vie na pas été si simple (son pére meurt quand il a
    5 ans..)..il devient humain ...

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  3. Entre les 4 étoiles chef d'oeuvre chez toi et la déception de Cachou mon coeur balance...


    Bon lundi au travail ou pas !


    Bisous

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  4. @Didi: Le meilleur dans ce cas-là, c'est d'aller voir juste pour râler sur l'un et appuyer l'autre ;-p (c'est plus drôle comme ça ^_^).

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  5. Comme j'aimerais partager ce même élan d'enthousiasme, moi qui suis de longue date un fervent admirateur de l'oeuvre du génial canadien. Et pourtant, au sortir du film, je suis sur la réserve,
    bien moins convaincu par ce parti-pris littéral (la transposition exacte des dialogues du livre en guise de scénario) que par ses précédentes audaces de mise en scène. Il faut bien l'admettre, la
    prose absconse de DeLillo perd son pouvoir de fascination à force d'être déversées scène après scène tout au long du film. On chope une idée ici, une bonne phrase là, entre deux bâillements. Là
    où "le festin nu" intriguait et où "Crash" fascinait, "Cosmopolis" fatigue. Je suis d'accord tout de même sur ton dernier paragraphe qui rattache complètement le film à l'ensemble de l'oeuvre de
    Cronenberg dont "Cosmopolis" est peut-être un des rares faux-pas. Comme dirait l'intéressé : no body is perfect.

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  6. Même si c'est presque une suite logique de ce qu'il a fait, ce film-ci m'a déçue. La théorie a pris le pas sur la folie, le film se réfléchit trop et ne se laisse pas assez vivre je trouve. J'ai
    eu l'impression d'assister à une conférence et pas à une histoire (encore plus que dans le livre)...


    Et Pattinson. Je dois dire être étonnée des éloges, j'ai trouvé qu'il avait exactement le même défaut que dans tous les autres films que j'ai vus de lui: on le sent jouer. Je pouvais voir la
    réflexion amenée sur le jeu sur son visage, chose qui m'a empêchée de croire à son personnage, et donc de ressentir un peu le film.


    Grosse, grosse déception pour moi.

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  7. Une énorme déception pour moi... Excessivement bavard (avec des dialogues d'un énat sans fond), Pattinson inconsistant (pour changer), succession de saynètes dignes de court-métrages
    incohérents... Heureusement on tient le coup grâce à la magnifique mise en scène... 1/4

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  8. Critique géniale ! Tout comme le film dont je croyais être le seul à défendre.


    De la réalisation, à la performance habitée de Pattinson en passant par des dialogues assez étranges (abscons est le mot), sans oublier ce final monstrueux, j'en ai vraiment pris plein la gueule,
    mais il m'aura fallu réfléchir pendant plusieurs jours avant de me faire mon opinion, car le film mérite une réflexion poussée et prolongée, pour être véritablement apprécié (ou pas).

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  9. Ouiiiii..... mais non. Je trouve le film complètement raté. Complètement j'exagère, dans la mesure où Cronenberg le film manigifiquement, mais je trouve qu'il a tellement la tête dans le guidon
    pour faire un film lécher et métaphorique qu'il oublie de redescendre sur Terre. Il se veut trop ambitieux. Il oublie de retomber à hauteur d'homme. Et du coup ça m'a profondément gonflé. 

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  10. Sur le papier j'ai envie d'être d'accord avec toi... mais à l'écran je trouve que ça ne donne rien. Tout au plus ça nous permets de voir Robert Pattinson prendre son pied lors de cette
    séance de doigtage (qu'on nous montre en contrechamp, ce qui est une faute majeure de la part de Cronenberg ^^)

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  11. pour ma part, je dirais que ce film ne laisse pas indifférent. j'y suis allée avec des amis, certain se sont endormis, d'autres voulaient quitter la salle (mais coincés entre le mur et moi donc
    impossible). j'y ai trouvé les thèmes et les tourments de Cronenberg mais le film ne m'a pas transcendé. ta critique m'a aidé à "comprendre" et l'entretien de Cronengerg chez Bunel (Inter) a
    confirmé mon ressenti.

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  12. Eh bien nous sommes d'accord. Peut-être que je suis un poil moins enthousiaste que toi parce que le film est un objet assez peu "aimable", très conceptuel et abstrait. Mais c'est un film
    important...

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  13. carrément important oui ! ;)

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