lundi 11 avril 2011

[Critique] Scream, de Wes Craven



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Scream, de Wes Craven (Etats-Unis, 1996)



Note :
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Avec « Scream », Wes Craven renouvelait avec panache et éclat un genre moribond au beau milieu des années 90, après en avoir lui-même fait le tour au cours de sa glorieuse période dans la
décennie précédente : le film d’horreur… Et plus précisément ici le « slasher », avec hécatombe de meurtres, serial killer dégénéré et tout ce qui s’en suit !

L’originalité et la force principale de ce film, qui en inspirera par la suite beaucoup d’autres (des bons, comme des beaucoup moins bons…), est que le cinéaste y joue en même temps (et très
habilement !) sur deux tableaux, que l’on aurait pu croire opposés : la réalisation d’un film d’horreur pur jus et sa déconstruction même par le biais d’une ironie ou d’une mise à distance
quasiment permanente… Ainsi, non seulement Wes Craven parvient à nous terrifier en utilisant les schémas d’efficacité traditionnelle propres au genre, mais il nous fait aussi beaucoup rire par de
multiples procédés de mise en abyme absolument savoureux !

Tout à la fois film gore et pastiche de film gore, « Scream » atteint par là même un degré de sophistication et de subtilité assez incroyable pour un film de genre ! Dans une même séquence, on
pourra notamment assister à la scène d’horreur type et en même temps à son exégèse par les personnages. Comme les héros sont à peu près tous spectateurs de films d’horreur comme celui qu’ils sont
justement en train de vivre, ils se plaisent ainsi régulièrement à essayer de deviner ce qui va maintenant arriver ou à se rappeler les règles fondamentales pour survivre au carnage (pas de sexe,
pas de drogue, etc.) Le procédé atteint bien sûr son paroxysme à la fin du long métrage, lorsque les assassins se mettent à scénariser littéralement le film en train de se faire, cherchant
finalement le dénouement le plus logique et jouissif à l’histoire qu’ils viennent d’écrire (et donc de vivre en même temps !)

Malgré un humour et un décalage constant, naissant notamment d’une exacerbation de toutes les conventions du genre, « Scream » n’en demeure pas moins un modèle de film gore, offrant en quelque
sorte ses lettres de noblesse au genre, le transcendant au point d’ailleurs de conquérir un public bien plus large que les spectateurs habituels, le film ayant eu un succès assez phénoménal en
son temps ! Rien que la séquence d’ouverture du long métrage est une pure leçon de cinéma : première victime du tueur au masque, une pauvre fille seule chez elle (Drew Barrymore) reçoit un appel
qui va l’amener tout droit vers la mort… A chaque fois, le cinéaste use des règles propres à ce cinéma là avec un respect d’orfèvre : une gradation de l’horreur, du sang, des cris, des ados
massacrés, un mode opératoire précis, des rebondissements, des fausses pistes (qui est le coupable ?)… Tout est là, et le film se permet même de rendre hommage à de nombreux « classiques » du
genre, par le biais de citations, de gags ou de parodies : « Psychose », « Halloween », « Freddy » (dont le personnage fait une apparition à hurler de rire comme vieil agent d’entretien dans un couloir du lycée, sous
les traits même de Wes Craven
)… les références ne manquent pas ! Mais la plus savoureuse n’est-elle pas l’allusion du petit ami de l’héroïne à propos de « L’exorciste », dont il compare la
version censurée (où les meilleurs scènes sont coupées pour un public plus large) et la version pour adulte à l’évolution de leur relation, qui est restée depuis trop longtemps à la version «
tout public » à son goût…

Le sexe qui condamnerait les ados à mourir dans d’atroces souffrances (métaphore de la perte de l’innocence et du passage à l’âge adulte ?), ou encore la télévision qui pousserait les jeunes à la
violence, « Scream » explore étonnamment différentes pistes de lectures sur la société contemporaine… La réflexion n’est pas extrêmement poussée non plus, mais elle a le mérite d’être bel et bien
présente, rendue dans une certaine forme de complexité, en proie au doute et qui interroge la conscience de la jeunesse d’aujourd’hui. Car oui, en effet, le film de Wes Craven est bien plus
profond qu’il n’y paraît et se prête assez facilement à de nombreuses grilles d’analyse… Même s’il demeure sans doute avant tout un pur plaisir de cinéma, tonique, horrifique et joyeusement
jouissif !



 



La saga "Scream" vue par Phil Siné































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8 commentaires:

  1. Superbe mise en bouche que ce petit article sur le 1er Scream, complètement d'accord avec toi! J'ADORE la saga et suis excité comme une puce à l'idée de bientôt découvrir le 4ème épisode!!

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  2. Que de souvenir que cette petite pépite qui remettra en avant le slasher. C'est vrai qu'à te lire, je retrouve tout le plaisir ressenti à l'époque au cinoche. Son côté Grand public (à cause de
    son succès à l'époque et de ses séquelles un peu moins folichones) le rend un peu has been auj. mais te lire m'a furieusement redonné l'envie de le revoir!


     


     


    Thanks


     


     


    Ber

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  3. Comme pour beaucoup de personnes de mon âge, la saga Scream a bercé mon adolescence. Ce premier volet est un des premiers films d'horreur que j'ai vu, et qui m'a appris tous les codes du
    genre. Le revoir aujourd'hui avec plus de culture du cinéma gore est encore plus jouissif (ou tout du moins différemment), Scream étant aussi une vraie parodie du genre. Et puis cette
    scène d'ouverture est parmi celles qui m'a le plus marqué au cinéma. Incontestablement ma référence du film d'horreur.

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  4. Un excellent slasher, un parfait hommage, une leçon de cinéma :)

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  5. C'est sans doute pour moi le meilleur de la série. Il y avait alors de la fraîcheur et de la nouveauté, sans renier comme tu le dis tout cet héritage. Et puis voir la pauvre Drew
    Barrymore
    tuée en début de film, je trouvais ça joliment trouvé.

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  6. Excellente critique. Même si il faut avouer que Scream est plus un suspense efficace qu'un film terrifiant. Je suis d'accord sur tous les points, je rajouterai juste que la réflexion sur cette
    jeunesse bercée au slasher eighties permet à Craven de faire un gros fuck à la censure et à tous les esprits trop étroits: non, le cinéma n'explique pas toutes les dérives de la société.
    Certaines n'ont pas de sens. Voilà pourquoi le ton parodique est parfait.

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  7. Un excellent film qui se moque de lui même et du genre tout entier. Pour moi le meilleur de cette saga (bien que je n'ai point vu le 3ème) et une scène d'ouverture d'anthologie (bien que celle du
    4ème est une belle réussite).

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