dimanche 24 avril 2011

[Critique] Slice, de Kongkiat Khomsiri


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Slice, de Kongkiat Khomsiri (Thaïlande, 2010)



Note :
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« Slice » tape encore un grand coup dans le cinéma de genre asiatique… Après les exploits coréens (on pense forcément aux films de Park Chan-wook ou au plus récent « Blood island »), voici l’œuvre hallucinante d’un cinéaste thaïlandais
complètement déjanté : mise en scène nerveuse et rythmée pour un scénario extrême et glauque à souhait ! Jugez plutôt l’histoire : d’horribles meurtres sont commis, toujours selon le même mode
opératoire, soit mutilations sauvages au couteau et émasculations complètes, avant que les restes des corps ne soient placés dans des valises rouge sang… Le tueur opère d’ailleurs vêtu d’une
grande cape rouge vif, un peu comme un petit chaperon rouge revenu pour se venger des grands méchants loups. C’est d’ailleurs bien le propos du film : la vengeance, encore et toujours ! Piétinant
pour relier les meurtres les uns aux autres, la police va se tourner vers un ancien flic en prison pour résoudre l’enquête, à laquelle il semble mystérieusement relié…

Quand Tai commence ses investigations, on comprend très vite que ces massacres ont un rapport avec son passé, qui va alors resurgir à travers de fulgurants flash-back de son enfance. Il y était
déjà déchiré entre sa volonté d’appartenir à une bande de jeunes délinquants et celle de protéger Nut, un enfant maltraité par la même bande mais aussi par tout son entourage… Sans atteindre
l’horreur des déchaînements de violence à l’époque présente, ces retours sur le passé décrivent cependant avec une terrible crudité les humiliations subies par Nut, violé et humilié à de
nombreuses reprises. La docilité confondante de l’enfant contraste avec la laideur et la cruauté du monde qui l’entoure : pour lui, seul Tai semble vouloir être gentil avec lui et il s’en
remettra alors entièrement à lui… De son côté, Tai est déchiré entre cet amitié naissante et son intégration à la bande d’enfants, qui l’obligent à participer aux humiliations envers Nut. Tout en
contrastes, « Slice » dresse ainsi un portrait dur et puissant de l’humanité et de ses pulsions les plus obscures !

Aidé par un montage vif et travaillé, Kongkiat Khomsiri livre un film plein d’excès et de fureur, dans lequel il distille des scènes de violence exacerbée, souvent très esthétisées. On reste
admiratif devant un tel talent de mise en scène pour ce thriller très rythmé où jamais la tension ne retombe et où se mêle habilement l’horreur et la jouissance, pour ne pas dire la jouissance de
l’horreur… Hautement cinématographique, « Slice » tient autant de la série B que du film d’auteur, ce qui le rend bien plus fascinant encore ! C’est paradoxalement en allant de plus en plus loin
dans l’exagération et les débordements que le film parvient à atteindre une forme de vérité sur la nature humaine : cynisme, trahison, humiliation de l’autre semblent être ce qui constitue en
profondeur la plupart des hommes… Laissant les quelques âmes sensibles se laisser recouvrir par l’ombre des autres et sombrer elles aussi dans la noirceur indéfectible du monde !

Même si l’on se doute très vite de l’identité du meurtrier, cet agneau transformé en loup par la cruauté des hommes, on se gardera toutefois de révéler l’ultime retournement de « Slice », qui le
fait basculer dans un étonnant romantisme noir, dans une forme de poésie du désespoir absolument admirable… Ce qui allie Tai au meurtrier est peut-être finalement plus fort que la mort. Ou mieux
: la mort ne pourrait être que la seule échappatoire à leurs vies atroces et à l’impossibilité de leur bonheur, qui pourtant aurait pu être si simple, si seulement la vie leur avait permis d’être
ensemble… « Slice » se révèle ainsi de justesse comme une tragique histoire d’amour : celle d’un amour homosexuel frustré et interdit dans une société brutale et intolérante. Le film de Khomsiri
pourrait alors être envisagé comme le pendant « gay » du lesbien et féministe « Blood Island » ! (en extrapolant juste un tout petit peu…)



 



Mise en perspective :



- Blood island (Bedevilled), de Jang Cheol-soo



- 13 jeux de mort, de Chukiat Sakveerakul (Thaïlande, 2006)



- Le jour du Saigneur































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3 commentaires:

  1. Il s'agit plus d'une "Seven" asiatique mais avec un suspense beaucoup moins efficace et des flashbacks beaucoup trop explicatifs. Le face-à-face manque cruellement de piment. Certe il y a de
    l'idée mais il aurait fallu plus d'audace et moins de blabla. Dommage. 1/4

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  2. Passionnant ton article. Ca donne envie de le mater....


     


     


    Ber

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  3. merci !


    j'espère que tu en auras l'occasion...

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