mercredi 13 avril 2011

[Critique] Medianeras, de Gustavo Taretto


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Medianeras, de Gustavo Taretto (Argentine, 2011)



Sortie nationale le 1er juin 2011



Note :
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Pour son premier long métrage, le cinéaste argentin Gustavo Taretto explique avoir voulu réaliser une sorte de « fable urbaine », résultat d’une longue observation de la ville de Buenos Aires et
des modes de vie de ses habitants… Le film démarre d’ailleurs sur une théorisation à la fois drôle et pertinente de l’architecture dans la capitale argentine : des constructions anarchistes et
incohérentes qui finissent par influencer le moral des riverains, en proie souvent à la solitude et à la désespérance… C’est en réalité une métaphore de la modernité : une représentation lucide
de cet étrange paradoxe d’être entouré de plusieurs millions de ses congénères tout en se sentant extrêmement isolé. Au lieu d’être un facteur de sociabilisation et de plaisir, le contact avec
l’autre ne finit par générer que de l’angoisse et du rejet…

Le terme « Medianeras », qui donne son titre au film, désigne d’ailleurs les murs mitoyens des immeubles, qui séparent et éloignent des individus pourtant si proche spatialement les uns des
autres. Mariana, l’héroïne, parle de « murs aveugles » et de « surfaces qui divisent », qui montrent selon elle « notre côté le plus misérable ». Mais si tous les murs que l’on dresse sont une
façon indéniable de séparer les individus, le film présente aussi d’autres explications à la solitude urbaine : la structuration même des gratte-ciel, mimant la division de la population en
classes sociales, agrandit notamment un peu plus les fossés creusés entre les personnes condamnées à ne jamais se rencontrer… Une critique du matérialisme s’immisce aussi tout doucement au sein
de la narration : si Mariana s’isole chez elle pour se remettre d’une rupture amoureuse en s’entourant de nombreux objets (dont un homme en plastique, comble de la déshumanisation des rapports
entre les gens !), Martin lui demeure scotché à son écran d’ordinateur, vivant ainsi une existence purement virtuelle dans son « micro studio »… Il explique d’ailleurs qu’il peut absolument tout
faire depuis son PC (les courses, son travail ou même l’amour !), sauf peut-être promener le chien, qui demeure finalement son seul contact avec le réel. Tous les deux ont fini par développer une
phobie absolue du dehors et de la confrontation directe à l’autre…

Mais « Medianeras » n’est pas seulement une représentation des rapports modernes et de la tristesse de la civilisation, c’est aussi une très jolie comédie romantique, pleine d’humour et de
fraîcheur. Originale aussi, puisqu’elle se termine au moment même où démarre d’habitude les histoires d’amour : au moment de la première rencontre… Auparavant, Mariana et Martin n’auront pas
cessé de se croiser d’une multitude de façons, mais sans jamais véritablement se rencontrer. C’est par le biais d’une énigme insoluble d’un livre pour enfant (« Où est Charlie ? »), que ces
deux-là finiront par se retrouver parmi toutes ces solitudes urbaines, mais finalement un peu humaines aussi… Le film s’achève ainsi sur une note d’espoir, même si sa vision assez noire de la
modernité n’était en aucun cas plombante jusque-là : bien au contraire, le réalisateur, par le biais d’une mise en scène ludique et alerte, a l’intelligence de toujours parler de choses graves
avec une infinie et salvatrice légèreté ! « Medianeras » nous rappelle au bout du compte qu’il faut parfois savoir regarder les choses différemment pour que tout change et qu’il existe toujours
une échappatoire, même si elle induit un nécessaire décalage. Percer ces fameux murs mitoyens qui enferment d’une nouvelle fenêtre peut par exemple proposer un nouvel éclairage sur le monde,
quitte à ne pas respecter les règles : « Par pur infraction au code d’aménagement urbain, on ouvre de minuscules fenêtres, irrégulières et irresponsables, pour qu’une lumière miraculeuse illumine
ces endroits obscurs ».































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3 commentaires:

  1. Il me tente assez finalement !

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  2. Je te rejoins complètement finalement :)

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  3. Ce fut vraiment un très beau film, un des coups de coeur de 2011, que peu ont vu malheureusement :-(

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