lundi 7 mars 2011

[Critique] Never let me go, de Mark Romanek



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Never let me go, de Mark Romanek (Grande-Bretagne, Etats-Unis, 2010)



Sortie le 2 mars 2011



Note :
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Adapté d’un roman de Kazuo Ishiguro, « Never let me go » présente une version alternative au monde de la fin du vingtième siècle tel que nous l’avons connu… Le clonage humain y est en effet
devenu possible et la création d’êtres vivants à des seules fins thérapeutiques a été rendue autorisée. On assiste alors à la vie de quelques-unes de ces « personnes médicaments », dont la seule
utilité est de donner leurs organes aux gens du « vrai monde » lorsque le moment est venu…

Derrière une histoire aux allures de fable de science-fiction, le film de Mark Romanek propose en réalité une perspective tout à fait inédite : celle du mélodrame tragique. Contrairement à tous
les films ayant déjà abordé le sujet, « Never let me go » se refuse en effet d’aborder frontalement toutes les questions médicales et éthiques, tout comme les explications purement scientifiques,
que posent pourtant un sujet aussi brûlant… Bien au contraire, il se concentre sur le destin de trois personnages, que l’on suit depuis leur enfance dans une curieuse école, où seule semble
compter leur parfaite santé, jusqu’à l’âge où ils seront devenus aptes aux greffes d’organes. Le film prend ainsi des allures de mélodrame face à l’intensité des relations qu’entretiennent Kathy,
Tommy et Ruth, flamboyant trio d’amoureux contrariés, superbement interprétés par trois jeunes acteurs remarquables : Carey Mulligan, Andrew Garfield et Keira Knightley. La finesse de leur jeu et leur sensibilité à fleur de peau rend le récit
profondément humain…

Mais s’il fait mine d’ignorer son sujet, le traitement audacieux imposé par « Never let me go » l’épouse pourtant complètement et l’impose finalement de façon plus palpable, plus sensible et
humaine que jamais au spectateur ! En nous offrant le point de vue de ces corps qu’une société scientiste a entièrement réifié, c’est tout simplement leur chaleur, leurs âmes et leurs sentiments
propres qui nous sautent aux yeux… Si le monde réel demeure constamment hors champs dans le film, c’est en contemplant la beauté et l’amour naissant de ce microcosme formé par ces personnages «
créés » pour mourir que l’on comprend progressivement toute l’horreur et la froideur clinique de ce qu’est devenu l’humanité invisible tout autour d’eux. Les questions éthiques et philosophiques
sont ainsi subtilement amenées et transfigurent au fond tout le film : comment a-t-on pu arriver à se servir de personnes de chair et de sang, sensibles en tout point, capables d’amour et de
souffrance, comme de simples matériaux, des corps de rechange dont on pourrait abuser impunément ?

C’est sans avoir l’air que le long métrage de Romanek s’aventure ainsi profondément et intensément dans des questionnements éminemment modernes et fondamentaux de nos sociétés, qui touchent la
morale et le devenir de notre humanité propre… Le film se permet même d’aller bien plus loin à travers ces merveilleux personnages qui courent après le temps qu’il leur reste, essayant autant
qu’ils le peuvent de prolonger encore un peu leurs vies en sursis, finalement comme nous tous, tendant inconsciemment à l’immortalité alors que nos jours sont fatalement comptés et que la fin,
inéluctable, nous paraîtra toujours trop proche ! D’une simplicité désarmante, leurs vies demeurent traversées par une troublante naïveté et une résignation terrible : devant la mort inéluctable,
jamais les personnages ne cherchent pourtant à fuir… mais fuir quoi au fond ? et pour aller où ? C’est la question du libre-arbitre ou de l’impossibilité d’échapper à un destin qui est alors
posée par l’innocente passivité des personnages. Un film incroyablement beau, touchant et subtil, d’une noirceur éclatante et d’une mélancolie dépouillée… A voir, peut-être en larmes, et surtout
à méditer, longtemps…































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10 commentaires:

  1. Ta critique est assez juste. J'ai beaucoup aimé toutes les questions d'éthiques qui passent en filigrane, et qui de ce fait interpellent beaucoup plus. Le film revient aussi aux fondamentaux de
    l'homme, avec ces personnages qui vivent dans leur monde, plus ou moins coupés de la vie moderne, plus proche de la nature (très présente). Et cette question finale : connaissant cette échéance,
    n'ont-ils finalement pas plus vécus que les autres hommes ? Quelque soit la durée de notre vie, on aura toujours l'impression de ne pas avoir assez vécu.


    Par contre, ce qui m'énerve c'est de ne pas avoir ressentit autant d'émotion que toi. Bien sûr j'ai été touché pendant la dernière partie du film (notamment quand SPOILER C Mulligan et A Garfield
    se rendent comptent qu'il n'auront pas de sursis), mais mon attente était tellement grande, je m'attendais tellement à être retourné, que finalement je l'ai pas été tant que ça. Et ça m'énerve
    !!!

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  2. Aimant beaucoup Keira Knightley il va falloir que je me trouve un trou dans mon planning pour voir ce film ainsi que Last night (même si pour ce dernier j'en ai eu de mauvais retour ^^ )

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  3. J'ai hâte de le voir, vu qu'il s'agit de l'adaptation d'un de mes livres préférés, mais il ne sort qu'à la fin du mois ici...

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  4. Franchement, c'est rare que ce genre de film arrive à m'émouvoir mais là....chapeau, même qu'une larme est apparue au bord de mon oeil...j'ai eu peur...je l'ai gardé dans un flacon d'ailleurs.
    lol.


    Magnifique de simplicité.

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  5. Tu as raison, le fait d'incarner les personnages humanise la reflexion. Mais perso j'ai été assez peu touché par l'amourette. Sinon je vois que tu craque pour le petit Garfield...
    mouais... :p

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  6. Je suis allé au cinéma sans trop d'attente pour finalement me dire: "Tout ça pour ça, ok". Je ne comprends pas comment on peut s'attacher à trois moutons qui ne font que subir les évènements tout
    au long de leur vie.


    Dommage parce que la réalisation est excellente.

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  7. Je suis tout à fait d'accord avec toi sur tous les points (cette tragique absence de rebellion, l'absence des questions bioéthiques mais le positionnement contre au travers de ses personnages
    magnifiquement interprété). Bref. J'ai pleuré et beaucoup . Chose qui ne m'arrive que très rarement devant un film. Et je
    ne m'y attendais pas car j'ai lancé le film sans même savoir de quoi il était question .


    PS: ma critique du coup va avoir pas mal de point de concordance avec la tienne... Ne m'accuse pas de plagiat .


     

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  8. chuuuut! Faut pas trop le répéter sinon on va croire que je suis sensible!! Et pour les lecteurs de mon blog c'est pas de la bonne pub!!

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  9. Gros coup de cœur pour ce film qui néanmoins y fait mal, au cœur.

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