jeudi 31 mars 2011

[Critique] Les sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick



sentiers_de_la_gloire.jpg



Les sentiers de la gloire, de Stanley Kubrick (Etats-Unis, 1957)



Note :
star.gif

star.gif

star.gif

star.gif




Censuré en France pendant près de 20 ans par peur de « porter atteinte à la dignité de l’armée française », « Les sentiers de la gloire » est effectivement un film profondément antimilitariste…
En 1916, dans les tranchées de la première Guerre mondiale, un général ambitieux et soucieux de sa renommée pousse des centaines de soldats dans l’attaque suicidaire d’une position ennemie
parfaitement imprenable. Après le carnage, le général veut faire fusiller la totalité des soldats encore en vie, qu’il accuse de lui avoir désobéi en refusant d’aller au front comme les autres…
Tempéré dans sa folie par le colonel Dax (formidable et grandiose Kirk Douglas), seuls trois soldats désignés au hasard seront jugés et tués « pour l’exemple »… Un procès à la va-vite sous la
forme d’un « conseil de guerre » tiendra lieu de « parodie de justice ».

Comme à chaque fois dans le cinéma de Kubrick, nous nous retrouvons ici devant un monument de perfection visuelle ! On admire à chaque plan la précision géométrique avec laquelle la caméra se
dirige, pour délivrer à l’écran un déluge d’images épurées et sans bavure… La première partie du film, description précise et quasi chirurgicale d’un fait de guerre marquant, se compose d’une
mise en scène devenue mythique : travellings arrière suivant les mouvements du général dans les tranchées, puis travellings latéraux sur les soldats avançant difficilement au front pendant
l’assaut… Le cinéaste, visiblement omniscient, a toujours l’œil et sait à chaque fois où il va, révélant à nos yeux le plan exact à la seconde et au mouvement près, sans jamais en faire trop… Une
pure merveille et une jouissance cinéphilique absolue !

Avec « Les sentiers de la gloire », Kubrick délivre ainsi dès 1957 (bien avant, notamment, « Full metal jacket ») une œuvre exemplaire, qui pourrait passer aisément pour un modèle définitif du
film non pas « de » guerre mais bien « sur » la guerre. Non pas donc une illustration héroïque de faits d’armes, mais bel et bien le contraire : une dénonciation brutale et politique de la
tragédie guerrière ! Le choix de la première guerre mondiale n’est d’ailleurs probablement pas innocent pour constituer ce « modèle », dans la mesure où elle est la matrice de toutes les guerres
« modernes », qui ont marqué le vingtième siècle…

Par le biais d’un scénario infaillible et de dialogues exemplaires, Stanley Kubrick réussit ainsi à souligner avec une force nécessaire l’absurdité du système militaire et plus généralement de la
guerre. L’ambition et la cruauté des chefs, qui ne cherchent qu’à se faire valoir, en dépit de la vie de leurs propres hommes, dénotent très vite le cynisme et le manque d’humanisme qu’engendre
le milieu guerrier. Le colonel Dax, chargé de défendre les trois soldats condamnés au cours de leur procès expéditif, renvoie du mieux qu’il peut les « bourreaux » à leurs contradictions et à
l’illégitimité de ce procès, en vain… Plus sournois est le retournement dans la définition même de l’ennemi auquel procède habilement le film : les allemands restent finalement invisibles et les
soldats sont finalement condamnés à mort par leurs propres supérieurs hiérarchiques, qui se révèlent ainsi les véritables ennemis… Aberrations d’un système qui marche sur la tête ! L’émotion
demeure constante au cours du film, le spectateur étant en fin de compte invité à vivre le calvaire des soldats au plus près de leur ressenti, mais c’est dans la scène finale qu’est atteint un
niveau paroxystique dans le sentiment humain : après s’être moqués d’une jeune allemande faite prisonnière, tous les soldats sont profondément touchés de l’écouter chanter, reprenant même
sincèrement l’air qu’elle interprète… Au fond, la musique – et l’art en général – vient à bout de toutes les frontières et de toutes les séparations entre les hommes : elle est synonyme de paix
et pourrait faire oublier la guerre une bonne fois pour toute… Hélas, la nature humaine reprendra toujours le dessus…































  • Plus










10 commentaires:

  1. Un excellent souvenir pour moi. J'hésite à m'offrir le fameux coffret... l'as tu fait ?

    RépondreSupprimer
  2. Très bonne critique. J'en avais parlé à mes débuts ( http://www.asbaf.fr/2009/09/les-sentiers-de-la-foire.html ) mais pas avec autant de justesse de propos. Vu le père kubrick est d'actualité en ce
    moment c'est un excellent conseil pour découvrir ou redécouvrir ce génie du ciné.

    RépondreSupprimer
  3. Je me souviens que le première fois que je l'ai vu, c'était au lycée, la prof d'histoire nous avais emmené le voir au ciné, et à l'époque déjà, ça m'avait bouleversé ce film. Je l'ai revu depuis,
    et ça n'a que confirmé mon admiration.

    RépondreSupprimer
  4. Vu il y a fort longtemps, j'avais été marqué par la force du récit et de la mise en scène. Du Kubrick au top, comme souvent.

    RépondreSupprimer
  5. Moi aussi faut que je le revois. Il se hisse dans mess préférés de Kubrick aux côtés d'Orange Mécanique et Barry Lyndon

    RépondreSupprimer
  6. Premier grand (et magistral) film sur la justice militaire (qui est, comme chacun sait, à la justice ce que la musique militaire est à la musique) auquel j'ai accordé une notule dans ma
    rubrique Ecrans de Guerre (http://princecranoir.mabulle.com/index.php/2008/10/27/162702-deserteurs-et-injustices-militaires).
    Suivront les formidables "pour l'exemple" de Losey et "Les hommes contre" de Rosi.

    RépondreSupprimer
  7. Ca pourrait effectivement faire un sujet de billet pour mon blog, soit en solo, soit quelque chose de plus global... ça viendra t'en fais pas ;)

    RépondreSupprimer
  8. Ambigue mais donne une image fiable de la faiblesse de l'armée française ainsi que son acharnement à se faire bousiller, l'étape de l'entretuage entre tranchée est aussi caractéristique. Ambigue
    pour "la puissance allemands" raison possible aussi de la censure pour éviter le tragique retournement de situatition, la remise en question omniprésente de la non collaboration; rappellons
    qu'avec des moyens consiédérables pour l'époque les guerriers du reich étaient super équipées des dernières technologies et drogués aux amphètes. C'est non sans faire échos aux portefeuille
    américains antisémites de l'époque comme le géant Ford, aussi tristement connu pour ses méthodes de travail inhumaines l'un ne va pas sans l'autre. Aujourd'hui les pantalons de travail sont
    signés Adolf Lafont, pseudo compo ou simple hasard... aux ouvriers de décider.

    RépondreSupprimer
  9. Salut! Les sentiers de la gloire est un super film que j' ai vu en classe de troisième,ça me rappelle beaucoup de souvenirs. Une fin très triste surtout. N'hésitez pas à passer voir mon blog où
    je viens d'écrire un article sur le DOULOS. Au revoir!!!

    RépondreSupprimer
  10. en classe de 3e alors que l'on croit encore que les vieux films en noir et blanc c'est trop nase ? ;)


    la surprise n'en est que plus grande...


    je vais de ce pas sur votre site !

    RépondreSupprimer