jeudi 12 juin 2014

[Critique] Bird People, de Pascale Ferran

Bird People
de Pascale Ferran
(France, 2013)

Sortie le 4 juin 2014

★★★

Quel ouverture merveilleuse, éprise d’audace et de liberté : Pascale Ferran filme les gens allant, errant, passant, toujours en mouvement dans les transports en commun… Au gré des métros et RER, on entend leurs voix, ce qu’ils disent ou ce qu’ils pensent, leurs petits calculs ridicules, leurs petites errances intérieures, on entend ce qu’ils écoutent, au fond leurs petites musiques intimes… Le tout filmé avec une apparente simplicité, rempli d’une grâce et d’une poésie qui traverse d’un bout à l’autre ce long métrage incroyable !

En s’attachant aux lieux de « transit », qu’il s’agisse des transports, de l’aéroport ou de l’hôtel où se passe le plus gros de l’action de « Bird People », la réalisatrice qui prend son temps (il s’agit de son quatrième film en 20 ans) montre une humanité en mouvement permanent… Un mouvement finalement peut-être infernal au point qu’il finit par faire « décrocher » certains, qui cherchent alors à fuir leur existence… C’est le cas des deux personnages auxquels s’attachent le film. Le premier, un homme d’affaire américain apparemment écrasé par le poids de responsabilités professionnelles et familiales, prend cette étonnante décision, radicale, de tout arrêter net : une nuit d’angoisse, à réfléchir, et le voilà qui « rate » volontairement son avion pour devenir cet homme nouveau contenu dans son nom même : Gary « Newman »… La seconde, jeune femme de chambre dans l’hôtel où l’homme réside, semble un peu perdue dans sa vie, et va vivre une expérience tout à fait inattendue, qu’il serait dommage de déflorer ici…

La facilité aurait été de créer une connexion forte entre ces deux personnages, mais ce n’est ni le propos ni l’envie de Pascale Ferran. Bien sûr, la rencontre aura lieu, à plusieurs reprises et sous différente forme d’ailleurs, mais l’intérêt de « Bird People » réside justement dans ses promesses d’inattendu, comme un train que l’on prendrait sans savoir où il nous conduira… De ce désir de surprendre naît une liberté et une poésie folle, qui parcourt un film que l’on traverse littéralement « émerveillé ». De l’observation que le mot « personne » désigne à la fois quelqu’un (« une » personne) et son contraire (c’est à dire « personne », justement) à un basculement soudain (mais presque naturel) dans le fantastique, le long métrage semble nous mener en bateau, avec une douceur et une légèreté qui le rendent véritablement « charmant » (quasiment au sens de « conte de fée charmant »), pour mieux nous ramener à nous-mêmes, à une profondeur de l’être incommunicable par le truchement des deux drôles d’oiseaux qui peuplent avec intensité l’écran… Anaïs Demoustier et Josh Charles sont impeccables !

« Bird People » est fluide, beau et surtout jamais démonstratif… Il demeure dans l’émotion et la sensation plus que dans l’explicatif, à l’image de ces survols ébouriffant de l’aéroport la nuit sur « Space Oddity » de David Bowie : toutes ces lumières et ces contours autoroutiers finissent même par devenir aussi mystérieux et métaphysiques que les effets stroboscopiques du dernier voyage de l’astronaute dans « 2001 : l’odyssée de l’espace »…

3 commentaires:

  1. Le film m'intrigue, je crois que ce que tu en dis m'a convaincu d'y aller !


    Merci !

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  2. Bonne première partie, intéressante, bien mise en scène (usage de Skype passionnant), mais alors ensuite... Je suis resté au bord du toit. Sans doute pas l'humeur vagabonde. Du coup j'ai trouvé
    Bowie un peu trop cliché en survol d'aéroport. J'ai presque regretté d'être du voyage.

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  3. ah mince, c'est très dommage en effet... pas sensible à la poésie du film non plus ?

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