dimanche 2 février 2014

[Critique] RoboCop, de Paul Verhoeven



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RoboCop



de Paul Verhoeven



(Etats-Unis, 1987)



Le Jour du Saigneur # 136




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« C'est l'histoire d'une chenille qui se souvient avoir été un papillon » : c’est par ce mystérieux aphorisme que Paul Verhoeven a décrit un jour son « super héros » RoboCop. Veut-il expliquer
par là le débat philosophique entre la part d’humain et la part de machine qui sert de fil rouge à l’évolution du personnage au cours du film ? Peu importe, puisque cette perspective d’analyse
est de toute façon passionnante…

« RoboCop » se passe dans un futur indéterminé, aux Etats-Unis. Le cinéaste hollandais, qui a toujours cherché à filouter Hollywood en y réalisant des films bien plus complexes et subversifs
qu’ils en avaient l’air, y décrit une société américaine atrocement ultra violente, où les crimes sont banalisés à outrance et où les criminels commettent leurs forfaits le plus souvent
gratuitement, jour_du_saigneur_bis.jpgquand ce n’est pas par pure jouissance ! Cette banalisation visionnaire de la violence, en cette fin des années 80,
Verhoeven la fait passer notamment par une télévision inconsciente et aseptisée, dans laquelle on voit des journalistes de JT égrainer les pires abominations le sourire aux lèvres ou des
publicités pour un jeu de société guerrier et anxiogène dont le slogan est « tuer avant d’être tué »…

Slogan qui pourrait d’ailleurs parfaitement s’adapter à la vision futuriste du monde offerte par « RoboCop », dans laquelle les notions de justice, de respect de la loi deviennent de plus en plus
réactionnaires et où le spectacle de la mort semble célébré sans le moindre respect de la valeur des vies humaines… C’est dans cette société décrite avec une profonde ironie que le « bien public
» semble de plus en plus perverti, en se retrouvant par exemple cédé par l’Etat au profit d’intérêts financiers privés. La société commerciale OCP se retrouve ainsi à la tête des forces de police
publiques et crée le programme « RoboCop », consistant à récupérer le cadavre d’un policier parmi les meilleurs (ceux-ci ont justement été placé judicieusement et cyniquement dans les zones les
plus à risque pour accélérer la mort de l’un d’entre eux) pour le transformer en robot, en ne récupérant que son cerveau. Après une exécution abominable par des malfrats, Alex Murphy (incarné à
l’écran par Peter Weller) devient alors RoboCop !

Répondant à des directives simples (protéger les innocents, faire respecter la loi… et même une autre qui restera d’abord secrète), le nouvel agent va alors multiplier les actions et rétablir
l’ordre dans son secteur. Le film enchaîne ainsi des séquences d’une effroyable efficacité (encore aujourd’hui !) et d’une violence inouïe à un rythme soutenu, créant alors un incroyable pouvoir
de fascination, ce que recherche très probablement et très justement le réalisateur… La mise à mort de Murphy (main qui explose, bras arraché…) est à ce titre une scène d’anthologie ! On citera
également des corps mis en charpie par des mitraillettes, une balle en plein dans des parties génitales, le pic rétractable de RoboCop (lui servant normalement à se connecter à un ordinateur)
s’enfonçant dans une gorge, un « méchant » à la peau « fondue » par l’acide venant s’exploser littéralement sur le pare-brise d’une voiture, etc.

Mais outre une dénonciation outrancière de la violence grandissante de nos civilisations, le film procède aussi à un habile discours sur la « robotisation » de l’humanité. Si de nombreux
personnages, arrogants ou cyniques en diable, semblent avoir perdu toute notion de conscience, on assiste au parcours intérieur difficile et magnifique, émaillé parfois de contradictions quasi
métaphysiques, du personnage de RoboCop / Murphy, qui d’humain est devenu machine, mais dont l’humanité est si grande et si forte que de machine il redeviendra humain… Si son fils l’admirait pour
sa capacité à imiter le mouvement de pistolet du robot héros de sa série télévisée préférée, c’est justement (et paradoxalement) par ce geste que son ancienne partenaire reconnaît en lui son
identité humaine ou qu’il se remémore les souvenirs affectifs de sa vie passée, avec sa femme et son enfant. Il redevient alors sensible comme un homme tout en conservant les capacités de la
machine : est-il alors, enfermé sous des couches d’acier invincibles, le dernier espoir pour l’humanité ? Son identité purement humaine ne fait en tout cas plus aucun doute lorsqu’il répond très
clairement à une question l’invitant à décliner son nom : « Je m’appelle Murphy ! » C’est peut-être alors la victoire de l’homme sur la machine et le début du réveil des consciences endormies
auquel veut nous amener Paul Verhoeven… Derrière le masque de la violence éperdue, le cinéaste cache ainsi dans son film des couches bien plus fines et intelligentes !



Perspective :



- Total recall, de Paul Verhoeven































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3 commentaires:

  1. Un excellent film toujours aussi efficace, pertinent et jouissif depuis sa sortie en salles. j'irai voir son remake car je suis bon public (j'avais même réussi a aimer le remake total recall)
    mais j'ai quand même des craintes je dois l'admettre...

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  2. Un film plus subversif qu'il n'y parait, comme souvent avec Paul Verhoeven. 


    Très bel article, merci.

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  3. merci ! oui ce cinéaste sait faire passer des trucs insidieux sous le nez des producteurs hollywoodiens... la grande classe ! :)

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