lundi 7 mai 2012

[Critique] Margin Call, de J.C. Chandor






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(Etats-Unis, 2011)



Sortie le 2 mai 2012




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On peut dire que les héros de « Margin Call » cachent rudement bien leur jeu : à force de balancer des « fuck me » à tout bout de champ, on pourrait croire qu’ils
prennent plaisir à se faire mettre dans l’intimité… et c’est pourtant tout le contraire ! Ils sont plutôt du genre à la mettre bien profond au monde entier, puisqu’ils sont ceux qui
manipulent l’argent et provoquent les crises : tous les banquiers, les traders, les puissants financiers… Le film de J.C. Chandor propose ici de les montrer juste avant le dernier grand
krach boursier de 2008, au sein d’une banque à Wall Street : on les observe ainsi tout à fait conscients de la crise qui arrive à grands pas et prendre finalement la décision de la provoquer
plutôt que de tenter de l’endiguer ou au moins de la ralentir, cela afin de sauver leur propre mise au maximum… Ils incarnent au fond le comble du cynisme, à s’enrichir grâce au bordel qu’ils ont
eux-mêmes provoqué !



Le film est à la fois effrayant et admirable. Effrayant de part son sujet et par la façon qu’il a de l’exploiter : à montrer tous ces requins, jeunes ou vieux, parfaitement conscients des
faillites qu’ils provoquent et de toutes les vies qu’ils ruinent, continuer pourtant à s’enrichir éhontément en n’écoutant égoïstement que leurs seuls intérêts ! L’argent est leur seul
maître à penser : ils le manipulent, le créent virtuellement et s’en mettent plein les poches… L’un d’eux reconnaît d’ailleurs ne pas faire grand chose par rapport à la fortune qu’il gagne,
conscient finalement de l’injustice qu’il incarne, de la disproportion de son salaire en rapport de ce qu’il fait… mais loin de lui pourtant l’idée de remettre quoi que ce soit en cause ! Un
autre évoque son travail passé d’ingénieur pour la construction d’un pont, travail éminemment concret et quasiment le contraire de ce qu’il fait désormais : sur le point de se rebeller dans
un sursaut de conscience, les sommes substantielles qu’on lui propose en échange de son silence lui font néanmoins très vite changer d’avis…



Mais « Margin Call » se révèle aussi parfaitement admirable, dans la mesure où même s’il nous présente des personnages exécrables et parfaitement méprisables, il parvient pourtant
toujours à les rendre fascinants et passionnants… Outre une mise en scène précise et réfléchie, fluide et puissante, les figures imposées par des acteurs tous impeccables sont le moteur le plus
porteur et puissant du long métrage : Kevin Spacey en responsable parfois hésitant, qui garde encore quelques sentiments pour son beau labrador chocolat sur le point de mourir d’un
cancer ; Demi Moore en autre responsable piégée par ses pairs ; le jeune et fringant Zachary Quinto qui travaille à la « gestion des risques » et découvre une faille dont sont
conscients depuis déjà longtemps ses supérieurs ; ou encore l’excellent Jeremy Irons en puissant super directeur de la banque, à l’impudence effroyable et à la froideur détestable !
Bien pire que « Dallas », les lois de la finance et du monde actuel, magistralement portées à l’écran par J.C. Chandor (dont c’est le premier film !), nous font littéralement
pénétrer un « univers impitoyable »…



Perspectives :



- Wall Street : l’argent ne dort jamais, d’Oliver Stone



- Cleveland contre Wall Street, de Jean-Stephane Bron































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dimanche 6 mai 2012

[Critique] La cabane dans les bois, de Drew Goddard



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(Etats-Unis,
2011)



Sortie le 2 mai 2012




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Attention : critique un peu (mais pas trop) enrichie aux spoilers !

Contre toute attente, ce n’est pas le film réalisé par Joss Whedon ce mois-ci (« Avengers
»)
qui laisse le plus transparaître la « patte » du monsieur, mais bel et bien cette « Cabane dans les bois », réalisé par l’un de ses collaborateurs Drew Goddard. On retrouve en effet dans
le scénario un brin tordu et décalé de ce long métrage l’esprit si caractéristique du papa de la célèbre série « Buffy contre les vampires », en jour du saigneurparticulier des épisodes de la saison 4 dans laquelle un groupe appelé « l’initiative » enferme des monstres dans un centre souterrain… On pense
également à « Dollhouse » (série à la réputation un peu plus effacée et pourtant très intéressante) à travers le personnage de Marty, qui pense être manipulé comme une marionnette, et incarné à
l’écran par Fran Kranz, qui jouait justement Topher dans cette autre série de Whedon, personnage qui manipulait les gens en leur « implantant » de nouvelles personnalités dans le cerveau…
ironique et savoureux retour des choses ? Ces références ne sont cependant guère fortuites, dans la mesure où Joss Whedon a très largement contribué au film, en tant que scénariste, producteur,
mais également réalisateur de seconde équipe ! Autant dire que son ombre plane largement sur le long métrage…

« La cabane dans les bois » étonne d’abord par son originalité et la construction de son scénario. Sa tonalité directement inspirée de « Buffy » nous offre à la fois le sentiment d’assister à un
film d’horreur et en même temps à sa parodie, ou en tout cas à sa mise en abyme, ce qui rend l’ensemble à la fois efficace et proprement jubilatoire… A vrai dire, l’histoire commence à la façon
d’une situation horrifique assez basique, avec cinq jeunes écervelés qui partent s’isoler dans une « cabane au fond des bois », qui se révèle un piège mortifère allant très vite se refermer sur
eux et les faire mourir les uns après les autres. De ce postulat archi-classique et attendu, les créateurs du film s’en jouent pourtant habilement pour mieux contourner ou tourner en dérision
tous les clichés qu’une pareille intrigue appelle habituellement… On est en réalité assez étonné d’assister en parallèle à des séquences dans un étrange endroit clos, dans lequel des employés
assistent sur vidéo aux aventures des jeunes gens et utilisent de multiples astuces ou gadgets plus ou moins scientifiques ou fantastiques pour rendre leurs comportements le plus typique possible
! En fait, c’est comme si les « héros » faisaient tout pour ne pas être les stéréotypes attendus et qu’on les forçaient pourtant à agir selon les normes imposées par le genre de film dans lequel
ils se trouvent… De même, si chaque personnage incarne un pur poncif, ce qu’il symbolise pour nous ne se révèle en réalité qu’un verni qu’on lui a plaqué : la « blonde » délurée et décérébrée (en
gros la « pute ») est en fait une étudiante brune qui vient de se teindre les cheveux, l’intellectuel à lunettes possède un corps d’athlète, la pseudo-vierge ne le serait visiblement pas tant que
ça, et ainsi de suite…

Plus le film avance et plus on a ainsi l’impression qu’il lutte lui-même pour ne pas sortir des sentiers battus dans lesquels certaines normes du cinéma d’horreur le ramènent sans cesse… Mais le
système se grippe progressivement malgré tout, jusqu’à atteindre dans la dernière partie un point de non retour et nous proposer l’un des dérapages scénaristiques les plus ahurissants, les plus
délirants, les plus drôles et décalés qu’ils nous aient été donné de voir depuis bien longtemps dans le cinéma fantastique ! Si l’ultime dénouement n’est ni très subtil ni très intellectuel, les
dérives et l’extraordinaire explosion narrative et visuelle du dernier segment suffisent à nous scotcher littéralement à nos sièges et à nous faire passer l’un des moments les plus jouissifs de
notre existence de spectateur de série B… Le déluge de twists, de créatures horrifiques, de gore, d’inventivité de mise en scène qui inonde alors l’écran nous laisse sur le cul à l’apparition du
générique de fin, sans oublier une ultime intervention de la toujours formidable Sigourney Weaver, qui nous laisse à croire que l’on ne devrait pas oublier de sitôt cette « Cabane dans les bois »
qui démarrait pourtant presque trop normalement…



Index du Jour du Saigneur































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samedi 5 mai 2012

[Jeu] Le Ciné-rébus # 20


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Réponse : Chacun cherche sa chatte (parodie porno du film de Cédric Klapisch !)



(chat - k - un - ssh - R - ssh - sa - chatte)



Trouvé par Papa Tango Charlie



Jouez et gagnez plein de cadeaux avec Phil Siné : guettez la publication des jeux sur le blog, soyez le premier à donner la bonne réponse en commentaire et accumulez un maximum
de points afin de choisir le lot que vous convoitez parmi la liste mentionnée un peu plus bas…




Règle du « Ciné-Rébus » : Déchiffrez le titre d’un film dans le rébus ci-dessus et gagnez un point si vous parvenez à être le premier à donner la bonne réponse en commentaire
!

A partir de 3 points cumulés, vous pourrez choisir un cadeau parmi les suivants :
- 1 badge collector « I [love] Phil Siné » (3 points)
- 1 badge collector « I [star] Phil Siné » (3 points)
- 1 lot des 2 badges collector (4 points)
- DVD « The calling » de Richard Caesar (4 points)
- DVD « L’étrange créature du lac noir » de Jack Arnold
(accompagné du documentaire "Retour sur le lac noir") (5 points)
- DVD « Flandres » de Bruno Dumont (dans une superbe édition collector digipack
double-DVD, débordante de bonus passionnants !) (5 points)
- DVD  "Karaté Dog", de Bob Clark (5 points)
- DVD "Ally McBeal" (les 4 premiers épisodes de la saison 1) (5 points)
- DVD « Tropical Malady », d’Apichatpong Weerasethakul (5
points)
- 1 TV écran plasma 100 cm (1000 points)
- 1 voyage pour 2 personnes à Hollywood (1300 points)
- DVD « Sugarland Express » de Steven Spielberg (6 points)
- Nouveau DVD « Le candidat » de Niels Arestrup
(5 points)



Scores actuels :
Romainst : 11 points
Violaine / Brodeuse-Bazar : 5 points
Titoune : 4 points
Foxart : 4 points
Cachou : 4 points
Docratix : 2 points
MaxLaMenace_89 : 2 points
Bruce Kraft : 1 point
Niko (de CinéManga) : 1 point
Squizzz : 1 point
FredMJG : 1 point
Marc Shift : 1 point
Cinédingue : 1 point
Papa Tango Charlie : 1 point
π : 1 point
Bonne chance à toutes et à tous !































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vendredi 4 mai 2012

[Best Of] Avril 2012


Le meilleur du cinéma en avril 2012...



a moi seuletwixtenfant d en haut



tyrannosaur.jpgninolock out



my week with marilynrock n loverec 3



Tous les films d'avril 2012



Dans les "Best Of" précédents :



- Mars 2012



- Février 2012



- Janvier 2012



- Décembre 2011



- Novembre 2011



- Octobre 2011



- Septembre 2011



- Août 2011



- Juillet 2011



- Juin 2011



- Mai 2011



- Avril 2011



- Mars 2011



- Février 2011



- Janvier 2011































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jeudi 3 mai 2012

[Sortie] Walk Away Renée, de Jonathan Caouette



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(France, 2011)



Sortie le 2 mai 2012




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En bricolant une forme de patchwork de sons et d’images, composés du film présent en train de se faire, d’images d’archive qu’il tourne depuis qu’il a huit ans, de photos, de conversations
téléphoniques, etc., Jonathan Caouette sait trouver son propre style, tracer sa propre voie, à forte tendance expérimentale, dans le cinéma d’aujourd’hui [...] Comme le cinéaste le dit lui-même,
« mes documentaires sont un mélange de rêve et d’histoires », ni tout à fait réel, ni tout à fait fiction, persuadé au fond que ce « mélange de fiction et de faits doit produire la vérité » [...]
Mais au fond, quel que soit la façon de qualifier « Walk away Renée » - fiction, documentaire, rêve, psychanalyse, expérimentation formelle… - on demeure absolument sûr d’une chose, celle
d’assister à une œuvre cinématographique indéniablement révolutionnaire et passionnante !



Retrouvez la critique complète de "Walk Away Renée" par Phil Siné en
suivant ce lien !































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mercredi 2 mai 2012

[Critique] Nino : une adolescence imaginaire de Nino Ferrer, de Thomas Bardinet



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(France, 2011)



Sortie le 25 avril 2012




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Bien loin de la mode très scolaire des « biopics », « Nino » est au contraire, comme son sous-titre l’indique (« une adolescence imaginaire »), une vision parfaitement fictive de la jeunesse du
chanteur Nino Ferrer… Une expérience plutôt originale et intéressante en soi, qui révèle qui plus est une sacrée volonté de se démarquer de la part du réalisateur Thomas Bardinet, qui assure en
outre la totalité du travail sur le film, tourné sans équipe technique ! Le film tient pourtant parfaitement la route – ce qui est en soit un petit miracle – mais révèle qui plus est un vrai
charme et une authentique personnalité…

Sur un sujet pourtant archi-rebattu, celui de la chronique adolescente d’un été, « Nino » fait preuve d’une fraîcheur incroyable et épatante ! On assiste au marivaudage amoureux du jeune
Agostino, dit « Nino », dont le cœur se partage entre deux jeunes filles : l’amie d’enfance qu’il connaît depuis toujours et une nouvelle venue qui éveille vigoureusement ses sens… Ca pourrait
sembler vieillot et c’est pourtant tout le contraire : il émane du récit une belle nostalgie, mais en même temps une vraie modernité, née probablement des tentatives plastiques résolument
inventives du cinéaste. Filmés en pleine nature, les émois adolescents se font poétiques ou parfois mélancoliques, mais l’atmosphère conserve une innocence badine et un certain humour qui confère
à l’ensemble un charme fou !

L’image est brute, sans trop de traitement, ce qui offre probablement une belle vérité et une douce sensualité à la représentation de l’adolescence, par ailleurs joliment incarnée par un casting
de jeunes gens en or ! David Prat, Lou de Laâge, Sarah Coulaud… tous sont absolument merveilleux de naturel ! On aime aussi les hommages multiples et inattendus au chanteur Nino Ferrer,
disséminés ici et là dans le film : un téléphone qui sonne dans un café qui fait dire au serveur, hélant le barman, « Gaston y’a le telefon qui son », ou encore ces séquences laissant le temps en
suspens, au cours desquelles l’acteur David Prat fait mine de chanter avec la voix de Ferrer lui-même… On est surpris enfin de la présence aussi surprenante qu’irrésistible de l’ami Pierre Carles en impresario à lunettes
pailletées : un film en définitive drôle, lyrique et carrément hors du commun !































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mardi 1 mai 2012

[Critique] Je fais feu de tout bois, de Dante Desarthe



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(France,
2012)



Sortie le 30 mai 2012




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« Je fais feu de tout bois » serait l’épisode central d’une trilogie démarrée avec « Je me fais rare » en 2005 et qui devrait s’achever avec « Je ne réponds plus de rien » d’ici quelques années,
si tout va bien… Chaque film de la saga a pour principe de mettre en scène le même personnage, Daniel Danite, à trois moments importants de sa vie : lors d’une phase dépressive dans le premier,
au cours d’une phase (mégalo)maniaque dans le second et pendant une phase mystique dans le dernier, encore en gestation… Pour s’amuser, lorsqu’on lui demande si le dernier volet est déjà écrit,
Dante Desarthe répond : « Pas du tout. Je le tournerai d’abord, et l’écrirai ensuite, sous la dictée de Daniel Danite. L’idéal serait de le tourner en 35 millimètres. Mais j’attendrai pour cela
que le 35 ait totalement disparu. » Ces bons mots cadrent parfaitement avec le ton et l’état d’esprit du film et du personnage écrits, réalisés mais aussi interprétés par leur auteur ! Ca,
c’était pour vous situer un peu…

Dans « Je fais feu de tout bois », Daniel Danite est toujours cinéaste (pas « réalisateur », hein : « cinéaste » !) et entend bien se démener autant qu’il peut pour le faire savoir… en faisant
justement « feu de tout bois » ! On le voit cheminer à travers mille projets et mille aventures rocambolesques : il quitte sa femme enceinte sur le point d’accoucher pour essayer de monter un
projet de film au sujet complètement fallacieux (celui que chaque cinéaste se choisirait un frère de cinéma pour travailler, ce qui ferait « deux fois moins de films, mais qui seraient en moyenne
deux fois meilleurs ») ; il donne des cours de vidéo à des stagiaires en réinsertion professionnelle en étant persuadé de s’adresser à de futurs grands cinéastes (quel bonheur de le voir leur
expliquer ses théories fumeuses comme quoi par exemple on ne peut plus dire « ça tourne » désormais avec les caméras numériques, mais « ça ondule » ! ou les aider avec enthousiasme à rejouer des
scènes du « Big Lebowski » dans un bowling bien beauf !) ; il a le projet fou d’édifier un musée du cinéma à ciel ouvert dans le jardin de la maison que lui prête un ami ; il fait des pieds et
des mains pour partir rencontrer les frères Coen aux Etats-Unis… dans le but peut-être de devenir le troisième frère Coen ? Tiens, oui, c’est vrai, il existe des paires de frères cinéastes, mais
rarement des triplés… et les sœurs Coen dans tout ça ?!

De sinueuses fantaisies en absurdes péripéties (une course poursuite sur un bateau, une séance de psychanalyse hilarante…), le film se déroule sur un rythme endiablé et avec surtout un sacré
tempérament ! Il dresse finalement le portrait d’un looser magnifique, qui paraît toujours rester confiant alors que rien ne va comme il le voudrait certainement… Pourtant, il se satisfait de
tout et s’adapte à merveille à toutes les situations ! En plus d’être vive et originale, cette pure comédie loufoque et déjantée de Dante Desarthe nous fait découvrir des tas de comédiens donnant
vie à autant de personnages hauts en couleurs ! L’acteur cinéaste est bien sûr irrésistible dans la peau de Daniel Danite, mais tous ceux qu’il croise ou qui l’entourent s’imposent comme une
foultitude de faire-valoir génialement écrits et interprétés… On sort de « Je fais feu de tout bois » ébouriffé et heureux, avec en tête une ribambelle de répliques définitivement cultes, façon «
Si Bergman avait mis au cœur de ses films des scènes de poursuites, par exemple, il serait plus connu du grand public. Et ça, les frères Coen l’ont bien compris ». Un film savoureux, qui procède
en plus à une mise en abyme protéiforme et palpitante du cinéma lui-même : un must !



[Film vu en projection de presse]































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