samedi 27 février 2010

Shutter Island, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2010)

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Note :
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Bon, inutile de tergiverser 107 ans et 7 mois et demi, le nouveau film de Martin Scorsese est encore une fois une grande réussite, comme d'ailleurs la plupart de ses films, particulièrement ceux de
sa collaboration avec Leonardo DiCaprio. De "Gangs of New York" aux "Infiltrés", en passant par le génial "Aviator", ces deux-là se font peu à peu une
place de choix dans la légende du cinéma ! "Shutter Island" présente ainsi toutes les qualités du "grand" film américain, intelligent et passionnant : casting impeccable, scénario plein de
surprises et surtout mise en scène exaltante ! Scorsese poursuit dignement sa maîtrise parfaite de l'image, proposant une forme à la fois léchée et cohérente, composée de plans impressionnants, de
mouvements de caméras amples, d'un montage riche et travaillé... Il utilise même des trucages numériques, d'une façon très subtile et poétique pour le coup : on retient ces étranges visions
hallucinatoires, notamment celles où le personnage revoit sa femme défunte et que celle-ci part en cendres entre ses mains...

Adapté d'un roman palpitant et paraît-il déjà hautement cinématographique de Dennis Lehane, "Shutter Island" raconte l'enquête du marshal Teddy Daniels sur la disparition d'une prisonnière de
l'hôpital psychiatrique de Shutter Island, une île isolée où sont enfermés de dangereux criminels... Démarrant comme un polar très noir emprunt de classicisme, le film dérive ensuite dans un
thriller mental complexe et psychotique basé sur le personnage du marshal. De coup de théâtre en narration instable, le classicisme de façade est progressivement perverti et le film nous fait
basculer avec lui dans un univers sombre et passionnant, hypnotique et psychiatrique, duquel on ne peut ressortir que tout chamboulé... Scorsese pose finalement la question des apparences et de
l'incertitude, de l'instabilité de la vérité ou même de la réalité, en multipliant les rebondissements, les retournements complets de situations et en nous transportant littéralement dans l'univers
mental de son héros. Il nous plonge pour cela dans une atmosphère angoissante et oppressante, à tendance paranoïaque, parfois même aux frontières du fantastique... Il propose en outre une réflexion
corsée sur la folie, son film se présentant en fin de compte comme un voyage aux portes de l'irrationnel et de la confusion psychique d'un homme traumatisé.

Leonardo DiCaprio est comme toujours impressionnant et s'impose définitivement comme un acteur monumental. Son physique imposant, à mille lieu de ce qu'il a été il y a encore quelques années, et
son visage quasiment expressionniste, au regard sombre et fou, le place au centre de ce récit sur un homme perturbé, dont la vie n'est que vertiges et abîmes mentaux et dont l'île représente
finalement les circonvolutions mentales, qu'il convient d'explorer minutieusement pour en découvrir une à une toutes les clés... On est forcément très surpris de voir le personnage se transformer
ainsi sous nos yeux, faisant basculer radicalement le monde qui l'entoure par là même occasion. Le pouvoir de manipulation du film est à son comble quand s'achève le film et on ne peut que se
sentir subjugué par le choc émotionnel véhiculé par ses procédés narratifs à la perversité éminemment stimulante !






























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20 commentaires:

  1. Je sors de la séance, bluffée, scotchée, tourneboulée!

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  2. Je lirai ton article une fois que je l'aurai vu.
    Une seule question : pourquoi seulement 3 étoiles ?

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  3. Perso, j'aurai mis 4 étoiles. Et en plus, à te lire, tu aurais pu mettre 4 puisque tu a l'air vraiment sous le charme de ce film.
    J'ai tout adoré de ce film. Et même les quelques longueurs sont vraiment essentiel. J'ai vraiment été bluffé et le jeu de DiCaprio est, comme tu le dit, très expressif.
    Et je suis d'accord avec toi sur la manipulation délibéré du réel.

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  4. J'y suis allée hier, et je dois dire ne pas avoir été emballée comme toi. J'ai justement trouvé que son procédé de manipulation était trop transparent. Nous étions à trois pour aller voir ce film,
    et tous les trois nous avions compris de quoi il en retournait quelques minutes seulement après le début (au coup du faux-raccord avec la bague, confirmation avec la première rencontre de
    Kingsley). Du coup, plus de surprise, plus de tension, on analyse en "rétroaction" un film vu pour la première fois seulement, ce n'est pas normal.
    Je n'ai pas non plus détesté, attention, c'est un film prenant. Mais ça ne restera qu'un thriller parmi les autres pour moi, d'autant plus que j'ai été gênée pendant tout le film par des fautes de
    raccord. Au début, j'ai cru que c'était fait exprès, et que ça serait justifié d'une manière ou d'une autre dans l'explication finale (attention spoiler: du style: n'avez-vous pas eu l'impression qu'il y avait des choses étranges, des répétitions, des manques dans ce que vous voyiez?),
    puis non. Alors le coup de la bague qui disparaît dans deux plans et du verre qui n'est pas dans la main de la personne qui boit, je veux bien croire que c'est fait exprès. Mais la fumée qui
    diminue et devient plus importante dans les champs-contre-champ, la main qui fait un geste pour prendre un papier dans la poche et qui est en train de refaire le même geste quand on revient au
    personnage, l'aspirine sur le point d'être prise puis le verre reposé sans que le personnage n'ait eu le temps de porter le verre à la bouche, la tache de sang plus grande sur le plan précédent
    (alors qu'on est dans l'explication finale), tout ça m'a laissée perplexe au final parce que si ça ne s'explique pas par le twist, tout ce qu'il reste, c'est que le réalisateur a laissé un nombre
    incroyable de faux-raccords dans son film sans nous laisser comprendre pourquoi (parce que le coup de l'explication finale ne pourrait justifier que la bague et le verre, pas le reste)... et je
    dois dire qu'un faux-raccord dans un film, ça me perturbe autant que des coquilles dans des livres.

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  5. Je l'ai vu, et j'ai adoré !
    J'avoue que le twist était à peu près prévisible... La bande-annonce laisse suggérer que Leonardo devient fou, ce qui déjà n'est pas loin de la réalité, a
    savoir qu'il était déjà fou...
    Cachou > Je suis bluffé ! Tu as vraiment l'oeil, parce que à part le coup de verre ou de la fiole qui sont faits exprès, je n'avais pas du tout remarqué ces faux raccords. Ca fait un peu
    désordre pour un maitre comme Scorsese...

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  6. Phil Siné > Oups, j'ai raté mon coup !! Si tu peux modifier mon commentaire pour qu'on ne voit pas le spoiler !!

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  7. Waouh, Cachou, je suis abasourdie. C'est que tu as l'oeil !! J'avais vu pour le verre, mais pas pour la bague. Idem pour la fumée de la cigarette, et c'est vrai que rétrospectivement, la fin était
    un peu attendue (même si elle reste indigeste pour moi).
    J'ai trouvé le film plaisant mais un peu trop brouillon, comme si en voulant brouiller les pistes, Scorsese s'était embrouillé lui-même. Malgré cela, j'ai encore été bluffée par la prestation sans
    faille du grand DiCaprio dont la filmographie et non seulement audacieuse, mais très réussie. 

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  8. Les fins sont toutes attendues si on analyse rétrospectivement les films. Pour les faux raccords, j'avais remarqué celui du verre et de la fumée. Mais dans ce genre de film, il faut se laissé
    prendre. Si on reste à analyser les images ou les dialogues, on peut déduire aisément la fin. C'est à ça que l'on reconnait les très grands films : on est surpris à la fin alors que le réalisateur
    n'a pas arrêté de nous alerter sur le dénouement. Après Cachou, si tu as remarqué cela dés le début, c'est que tu est perspicace.
    Pour ma part, j'ai été vraiment surpris par la fin et c'est une aventure fabuleuse que nous offre Scorsese.

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  9. Bonjour,
    Votre analyse est très interessante. L'aspect psychologique, paranoïa est très bien mis en valeur par une image très sombre dans le film.
    Le temps passe mais Martin SCORSESE ne flanchit pas, quelle longévité exceptionnelle !!! 

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  10. En fait, comme je le disais à Alex (et grâce aux explications d'Alex aussi, je dois dire!), j'ai un peu mieux compris quel était le cheminement de Scorsese et où il voulait en venir. Le truc, c'est
    que j'ai dû laisser le film décanter 2-3 jours pour mieux l'apprécier. J'aurais dû faire ma critique à ce moment là... mais je ne pense pas que j'aurais changé ma note pour autant.
    J'ai été scotchée par les images et par la fin du film (et Leo !), y'a quand même des moments où je me suis un chouille ennuyée.

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  11. Pas trop d'accord... Vu le succès de ce film on peut surtout dire que Scorcese gagne aussi grâce à son aura... Ma critique du 02 mars ...


    Scorcese nous offre ici un ses films les plus mineurs... 2 étoiles tout de même car Di Caprio est une fois de plus impressionnant (il gagne encore en maturité) et Scorcese reste un maitre de la
    caméra. Première heure géniale qui tient ses promesses, un vrai thriller noir, alambiqué, sombre et mystérieux... Avant que la dernière demi-heure soit la fin la plus gâchée de Scorcese ! Comme
    si le réalisateur ne savait plus comment terminé son film. 20mn de blabla explicatif pour dénouer l'intrigue qui s'avère inexistante. On s'attendait à un vrai thriller alors qu'il s'agit d'un jeu
    de rôle que Scorcese n'a pu finir que dans une fin longue et bavarde. D'ailleurs vu la fin on s'aperçoit que le montage et le scénario ont des trous béants... Comment commencer le film sur le
    continent avant de prendre un bateau avec une telle fin ?!... Ca donne le film le plus bancal de Scorcese, 1ère heure à 4 étoile avant de s'engouffrer dans la bulle à la fin... Dommage.

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  12. c'est vrai que le visage de DiCaprio a bien changé. Il a les traits anguleux, plus dures, presques tourmentés.
    un très bon film vraiment ! assez peu de déçus j'ai l'impression...

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  13. concernant la manipulation, je conseille l'exellent édito de Lallane dans les inrocks de cette semaine où il croise Shutter Island et la reine des pommes. Passionnant.

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  14. Oui tu te trompes Phil... J'aime me faire manipuler comme dans "Usual Suspects", "L'armée des 12 singes" ou encore "Donnie Darko" mais là c'est beaucoup trop facile. Scorcese nous fait une fin
    bavarde (tout de même 1/4 d'heure d'explications !) pour palier son scénario... Les 3 films que j'ai citer plus haut ont un scénario tellement réussi qu'il n'ait pas besoin de tant de simagrées.
    Dommage car c'est le gros défaut du film qui gâche l'excellente première partie.

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  15. vas voir sur le site des inrocks dans la semaine, il laisse un peu la priorité au papier. mais on devrait le lire d'ici peu. Si j'y pense je te préviens.

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  16. J'ai également été bluffé par le nouveau film de Scorsese, cinéaste que, contrairement à toi, je n'admirais qu'à moitié jusque là. Mais après avoir découvert AFTER HOURS, comédie psychédélique où
    chacune des rencontres nocturnes du héros semble être une projection de son subconscient, j'ai été étonné par ce film atypique et je suis donc volontiers allé voir SHUTTER ISLAND. Les points
    communs entre ces deux opus sont nombreux, mais le dernier en date est vraiment un sommet de mise en scène dans l'oeuvre du bonhomme ! Dans la fusion qu'il opère entre espace physique et espace
    mental nous renvoie à SHINING, ça n'est pas rien...

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  17. Si si j'ai vu ces trois-là mais je n'en suis pas vraiment fan. Tu pourras t'en rendre mieux compte lorsque je consacrerai un article au cinéaste, après avoir vu les films que je t'ai cités...

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  18. Il me reste à voir LA DERNIERE TENTATION DU CHRIST, LE TEMPS DE L'INNOCENCE ou encore NEW YORK NEW YORK dont tu parles. Mais non, je n'ai pas adoré TAXI DRIVER qui a les limites de son rythme (mais
    il faudrait que je le revoie) ni les "grands" films de gangsters du bonhomme...

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  19. Excellente critique Phil. Le film de Scorsese est effectivement à tomber. Et s'agissant des faux raccords, ils sont bien évidemment voulus par son auteur (en rapport total avec le propos du
    film). Encore bravo pour ton article ;-)

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  20. Shutter Island est un thriller que je conseille vivement à tous les adeptes du genre. Le scénario est parfait et l’intrigue est plutôt bien ficelée. Bref, ce fut un plaisir pour
    moi de découvrir cette œuvre.

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