[Critique] Mud : Sur les rives du Mississippi, de Jeff Nichols

(Etats-Unis, 2012)

Sortie le 1er mai 2013

Après nous avoir impressionné avec son « Take Shelter » apocalyptique et presque
fantastique, nous guidant sur un chemin qui nous conduisait aux portes de la folie, le cinéaste Jeff Nichols semble avec « Mud » revisiter le « grand film américain », dans l’exploration de ses
mythes et de ses profondeurs, avec toute la noblesse et la fascination que cela implique… S’il dit s’être en partie inspiré de Mark Twain, écrivain éminemment américain (« Tom Sawyer »), le
réalisateur évoque surtout l’Amérique sauvage et primitive, celle des premiers hommes qui descendaient le fleuve et s’installaient « sur les rives du Mississippi » ! Il véhicule en quelque sorte
une culture ancestrale, à laquelle il ajoute une forme extrêmement classique, mais d’un classicisme méticuleux et soigné, que l’on ressent dans une mise en scène à la fois belle et brute, d’une
élégance rare et vénéneuse, qui sait exploiter une nature sauvage avec une puissance admirable… Bercé entre une douceur idyllique et contemplative et une violence qui peut pourtant exploser à
chaque instant (admirable fusillade finale !), « Mud » nous guide ainsi dans les méandres d’une Amérique sublimée !

Si l’écriture affûtée du scénario marque par sa grandeur discrète, on demeure tout aussi admiratif de la caractérisation riche et précise de chaque personnage, qu’il soit au premier ou au second
plan de l’histoire… C’est ainsi que « Mud » se révèle psychologiquement touchant et admirable, sans compter que les acteurs sont tous remarquables : les jeunes interprètes qui incarnent les deux
adolescents « héros » de l’histoire sont tout simplement parfaits, et Matthew McConaughey, après « Magic Mike » et « Killer Joe », continue d’enchaîner les rôles percutants avec une aisance bluffante ! Bien
plus profond qu’il n’y paraît de prime abord, le film de Jeff Nichols brasse de grands thèmes universels tout en en proposant des aspects d’une grande intelligence : les rapports familiaux,
qu’ils soient biologiques ou choisis, sont décrits avec une acuité qui emporte… et ils rejoignent d’ailleurs ce qui demeure probablement le cœur du discours de « Mud » : l’amour ! Face à une
absence de parents pour l’un et au divorce des siens pour l’autre, les adolescents du film éprouvent ainsi une fascination pour cet étranger qui se cache sur une île du Mississippi, et s’ils
décident de l’aider, c’est justement parce qu’ils veulent continuer de croire à une vision de l’amour qu’ils attendent et espèrent… et que les autres adultes autour d’eux ont sali à leurs yeux
d’enfants.

Perspective :

- Take Shelter, de Jeff Nichols